Aménagements en école Montessori : favoriser l’autonomie et le mouvement des enfants en toute sécurité
L’enseignement Montessori fait parfois débat parmi les parents : idéalisé par certains, il est décrié par d’autres, qui le jugent trop « permissif ». Sylvie d’Esclaibes, fondatrice et directrice de l’Ecole Athéna Montessori Internationale, revient avec nous sur cette méthode et notamment sur l’importance des aménagements éducatifs dans cette pédagogie.
Quand on évoque la pédagogie Montessori, certains parents sont emballés, d’autres sont réfractaires et estiment notamment que la méthode donne trop de « liberté » aux enfants. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que certaines personnes reprochent souvent à la pédagogie Montessori de « laisser les enfants faire tout ce qu’ils veulent ». C’est une vision erronée de la méthode : c’est vrai qu’elle donne à l’enfant une grande liberté, mais toujours dans un cadre parfaitement défini. Il y a des règles, assez strictes même, notamment pour permettre à chacun d’évoluer sans empiéter sur l’espace de liberté de l’autre. Quand un enfant prend un plateau d’activité par exemple, il doit l’utiliser correctement, jusqu’au bout, et le ranger ensuite. En maternelle, un enfant n’est pas autorisé à prendre un plateau d’activité tant qu’il ne lui a pas été présenté par un éducateur.
Même chose concernant le mouvement : on incite bien sûr l’enfant à bouger, mais dans un cadre précis. Ainsi, on ne court pas dans les couloirs.
Une autre critique, avec laquelle je suis d’accord cette fois, c’est qu’aujourd’hui, n’importe qui peut ouvrir un établissement dit « Montessori ». Je recommande aux parents de toujours demander à visiter l’établissement avant d’y inscrire leur enfant, pour se faire par eux-mêmes une idée de l’atmosphère qui y règne. Si ces visites de découverte ne sont pas autorisées, il faut se méfier. Je conseille aussi de toujours demander à la direction comment les enseignants ont été formés. Il existe désormais des formations sérieuses : il y a bien sûr notre organisme, « Apprendre Montessori », mais il y a aussi « l’Institut Maria Montessori » par exemple.
Votre établissement, l’école Athéna Montessori International, est le seul établissement Montessori à proposer en France un cycle secondaire avec collège et le lycée. Pourquoi n’y en a-t-il pas davantage?
Maria Montessori a beaucoup évoqué les tranches d’âge 3-6 ans et 6-12 ans. Même si elle parlait aussi des adolescents, très peu d’enseignants sont formés à Montessori pour le deuxième cycle.
Par ailleurs, nous parlions des réfractaires à la méthode Montessori, mais il y a aussi des parents qui au contraire pensent qu’elle va résoudre tous les problèmes de leur enfant. Or, non, Montessori n’est pas la solution à tous les problèmes ! Certains enfants peuvent parfaitement avoir besoin d’autre chose que l’enseignement Montessori. Cette idée que notre méthode peut résoudre toutes les difficultés rend difficile la bonne marche d’un établissement du secondaire, car cela entraîne un très grand nombre d’inscriptions d’enfants se trouvant depuis plusieurs années en situation d’échec scolaire. Or, un établissement ne peut pas fonctionner correctement s’il n’accueille que des élèves en grandes difficultés. Cela peut rebuter les professionnels envisageant d’ouvrir un collège ou un lycée. Il faut un mélange équilibré entre les différents niveaux d’élèves pour que le système soit viable.
Les lycées et collèges Montessori sont en revanche nombreux à l’étranger...
C’est vrai. Dans les pays d’Europe du Nord notamment, il y a beaucoup de lycées Montessori. C’est le cas en Hollande par exemple. Il faut bien comprendre que ces pays, comme aussi le Danemark ou la Norvège, ont un système éducatif qui repose sur des principes bien différents du nôtre. La méthode Montessori est finalement déjà assez proche de leur système de base. Chez eux, la personnalité et l’individualité de l’élève est davantage respectée que chez nous par exemple. Ne serait-ce par le faible nombre d’élèves par classe !
Dans notre établissement, nous sommes une vingtaine d’élèves dans chaque classe, jusqu’en terminale.
Maria Montessori, à la fin du 19e siècle, a notamment commencé à travailler auprès d’enfants désignés comme « déficient » au sens médical du terme. Elle s’est beaucoup attachée à leur stimulation. Que peut apporter sa méthode dans un modèle d’école « inclusive » vis-à-vis d’enfants souffrant d’un handicap ?
En effet, Maria Montessori a commencé avec des enfants considérés comme « différents » et donc délaissés. Elle a remarqué qu’une fois qu’on s’en occupait, ils progressaient. Certains d’entre eux finissaient même par réussir aussi bien que les autres, grâce une stimulation bien étudiée. La méthode Montessori est ainsi très bonne pour le développement de certains enfants souffrant de handicap. Nous accueillons par exemple dans nos classes des enfants DYS et des enfants autistes, ils progressent remarquablement.
Comment se passe concrètement l’inclusion des enfants handicapés dans le cadre de la méthode Montessori ?
Dans mon établissement, les enfants dits « à besoins spécifiques » bénéficient de l’aide d’une personne dédiée à un, deux ou trois enfants selon les cas. Elle accompagne les enfants en classe en plus de l’enseignant, et bénéficie d’une formation spécifique. Nous organisons aussi des activités ludiques faisant collaborer les enfants à besoins particuliers avec les enfants dits « normaux », auxquels on explique comment communiquer avec leurs camarades. Ils comprennent pourquoi certains enfants autistes ne supportent pas le bruit, par exemple, et ça les rend beaucoup plus responsables. Cela développe leur empathie.
Les enfants à besoins spécifiques sont intégrés dans notre établissement quel que soit leur âge, y compris au collège. Récemment, l’un d’eux a passé son brevet avant de commencer un CAP. Pour eux, comme pour tous les autres enfants, l’objectif de la pédagogie Montessori est notamment de développer l’autonomie.
On évoque souvent le matériel Montessori. De quoi parle-t-on ?
La méthode Montessori vise à apprendre par le concret, pour aller peu à peu vers l’abstrait : le concret s’appuie sur du matériel. Par exemple en mathématiques, la « perle » permet d’apprendre la notion d’unité, puis l’enfant ses familiarise avec les barrettes de 10 perles dorées, pour les dizaines. Il visualise un ensemble de 100 perles pour comprendre les centaines, puis un cube de 1000 perles pour les milliers. On passe ensuite à des carrés de couleurs spécifiques pour les unités, les dizaines et les centaines : on passe du volume à la couleur pour symboliser une quantité. On va ainsi peu à peu vers davantage d’abstraction. De même pour la grammaire, on utilise du matériel pour rendre concrète la nature ou la fonction des mots, avant d’aller vers l’abstrait.
Retrouvez ici, notre espace produit sur la thématique des jeux de motricité
Quels rôles jouent les aménagements dans la pédagogie Montessori ? Quels types de mobilier utilisez-vous ?
Maria Montessori disait que tout apprentissage repose sur un environnement bien préparé. Concernant le mobilier pour les très jeunes enfants par exemple : l’essentiel est de leur proposer un matériel grâce auquel ils pourront évoluer librement mais sans risque. Le mobilier doit aussi leur permettre d’interagir avec l’aménagement de leur espace : déplacer une chaise tout seul par exemple, ou une table à deux, avec un camarade. Il s’agit de travailler la motricité des enfants et, toujours, de favoriser leur autonomie.
Même chose pour le mobilier de crèches : des étagères très basses permettent au tout-petit d’aller chercher du matériel en rampant ou en roulant sur lui-même.
Grâce à un meuble miroir muni d’une barre, il peut se mettre debout et voir son mouvement. Il dort dans des lits près du sol, dont il peut sortir seul.
Pour le matériel de motricité des petits, on propose aussi des tunnels en bois ajouré, très important pour se repérer par rapport à l’extérieur du tunnel. Maria Montessori a toujours insisté sur l’importance d’utiliser des matériaux naturels, pour un matériel qui stimule les différents sens.
Il y a aussi des meubles lavabo pour les plus jeunes, qui peuvent ainsi commencer à se coiffer et à se laver les mains seuls ; des chaises sur lesquelles ils peuvent grimper et s’installer en toute autonomie et sécurité. Je souligne que les meubles et matériels imaginés par Maria Montessori sont toujours sobres et faciles à entretenir, mais également jolis : la notion esthétique est très importante.
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