Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

Témoignages

Numérique et lieux d’apprentissage : co-construire en mode projet pour faire évoluer sa pratique

8 février 2023

"Si le numérique apparaît progressivement dans l’environnement scolaire, il convient néanmoins de l’intégrer de la bonne façon. Pour bien comprendre les enjeux qui en découlent, Christophe Caron, Directeur de projet forme scolaire et numérique, à la Direction Numérique pour l’Éducation (DNE), revient sur les nouvelles façons d’apprendre et d’enseigner."  

 

Comment l’intégration des outils numériques dans les pratiques pédagogiques vient-il aujourd’hui modifier les espaces de classe ? 

Quand on intègre le numérique dans la classe, on enseigne et on apprend différemment. Rapidement, on va aller dans la production de contenus mais aussi vers un mode collaboratif. Pour cette raison, on a besoin d’échanger, de se déplacer, de même qu’on peut avoir besoin de s’isoler pour produire. Toute cette pédagogie de projet, qui permet aux élèves de collaborer, de partager comme de s’émanciper, a forcément un impact sur l’aménagement de la classe. 

Ça demande donc de réfléchir à la mise en place de zones de travail différenciées, comme ce qu’on propose sur Archiclasse par exemple. Le « feu de camp », c’est une zone qui permet de travailler en mode collaboratif autour d’une tablette par exemple ; ça peut aussi être un espace d’échange informel, ce qu’on appelle « l’oasis » ; ou encore créer une micro-zone pour pouvoir produire à l’écart du groupe, dans la « grotte ». Avec l’intégration du numérique, la pédagogie influe nécessairement sur l’espace de classe, et non l’inverse. 

 

Cela s’applique-t-il de la même façon à tous les niveaux scolaires ? 

C’est peut-être plus facile à mettre en place dans le premier degré – depuis la maternelle jusqu’au CM2, car on a cette culture de travail en atelier et en îlot. Mais cela peut s’appliquer à tous les niveaux.  

Il est tout à fait possible de le mettre en place dans le second degré, même si c’est plus difficile avec des cours de 55 minutes, où on change de classe. Cela demande une réflexion un peu plus subtile, de groupe, car on partage une classe. Pour satisfaire toutes les pédagogies différentes, on peut réfléchir à des configurations différentes d’aménagement de la classe. Selon sa pratique, on peut bouger les tables de places, ça demande simplement du temps et de l’énergie. L’important est donc d’impliquer les élèves pour bien définir comment travailler ensemble.  

 

En pratique, quelle réflexion doivent mener les établissements scolaires qui envisagent davantage le recours au numérique ? 

La première des choses est de mener une réflexion pédagogique car il ne peut pas y avoir d’intégration pédagogique simplement en remplaçant un tableau blanc par exemple. A l’échelle de l’établissement, il faut réfléchir ensemble à l’écriture d’un projet, qui va intégrer ces nouveaux usages. Le chef d’établissement a un rôle bien particulier puisqu’il doit fédérer le projet pédagogique. A partir de là, on va réfléchir aux conditions d’aménagement, et au budget – sur les fonds propres de l’établissement ou en associant une collectivité territoriale.  

 

Après la réflexion pédagogique, il faut être dans une dynamique de co-construction de projet, donc prendre en compte les contraintes de chacun, définir des objectifs et travailler ensemble. 

Une troisième chose à noter est qu’il ne faut pas forcément partir sur des projets gigantesques dès le départ car il faut prendre tout le monde en compte, en fonction de leur intérêt pour ces pédagogies ou de leur avancée. Pourquoi ne pas réfléchir à la conception d’une salle dédiée au nouvelles pratiques, que tous les enseignants pourraient réserver pour essayer d’intégrer progressivement une nouvelle forme scolaire ?  

 

Quels sont les freins actuels ou potentiels à ce type d’évolution ?  

Je vois principalement trois freins. L’un d’eux est dans le cas où un enseignant souhaite seul modifier sa classe, car le projet doit aussi s’inscrire au niveau de l’établissement pour perdurer dans le temps. Il est nécessaire d’avoir une réflexion globale, d’équipe, sur tout un projet pédagogique intégré à l’établissement. La deuxième chose, c’est que tous les enseignants n’ont pas la même culture sur la forme scolaire, les mêmes envies ou le même degré de connaissances. Il peut y avoir un besoin de formation, d’accompagnement pour passer de « transmetteur de connaissances » à « scénariste en mode projet ». Ça implique aussi de former tous les autres acteurs de l’école, comme les collectivités territoriales qui ont des habitudes et travaillent encore, pour certaines d’entre elles, en silo. Il faut favoriser les échanges tous ensemble, pour embarquer tout le monde dans le projet.  

 

Quels en sont les bénéfices pour les élèves et pour les enseignants ?  

Le fait de travailler en mode projet laisse une plus grande place à l’action des élèves. Il y a plus de motivation et de confiance. On va travailler des compétences du « XXIème siècle » pour se construire en tant que citoyen. Les élèves sont plus dans la coopération, dans la créativité. On va aussi travailler l’esprit critique, on sera dans la communication. Finalement, les élèves vont porter eux-mêmes leur apprentissage.  

Pour les enseignants, la question est désormais de savoir comment les élèves s’approprient la séance d’apprentissage. Le numérique et l’aménagement vont faciliter la personnalisation des parcours de chaque élève. L’enseignant va pouvoir proposer des activités plus adaptées à l’élève, sans qu’il soit monopolisé à temps plein. Le numérique est un véritable appui pour l’enseignant et dans le même temps un moyen d’enrichir les apprentissages pour les élèves !

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