Témoignage de Béatrice - Enseignante au CE1 - Aménagement de la classe : que changer pour mieux apprendre ?
Et si on rendait les élèves acteurs de leur classe ? Enseignante en CE1 à Croissy sur Seine, Béatrice Poignonec a découvert le design thinking il y a 3 ans. Relayée par l’association Synlab dans le cadre de l’action Bâtisseurs de Possibles, la démarche de projets a fait considérablement évoluer sa manière d’enseigner, de sa posture à la relation qu’elle entretient avec ses élèves. Témoignage.
Q : Comment avez-vous pris connaissance du projet Bâtisseurs de Possibles ?
B.P.: C’est le fruit du hasard. En plein été 2015, alors que je préparais les projets sur lesquels mes élèves allaient travailler, je me suis questionnée sur ma méthode. Il fallait que je me rende à l’évidence : mes propositions ne remportaient plus le succès escompté et je devais me renouveler. J’ai donc cherché de nouvelles idées de méthodologies de projets sur internet. C’est comme ça que j’ai découvert Bâtisseurs de Possibles, un dispositif éducatif qui permet d’accompagner les élèves dans un projet coopératif en leur offrant un rôle central.
Q : Qu’est-ce qui vous a convaincu de rejoindre le projet Bâtisseurs de Possibles ?
B.P.: La démarche m’a séduite car elle s’appuie sur les élèves, sur leurs questionnements et leurs centres d’intérêts. Jusqu’alors, c’est moi qui proposais les projets. Avec Bâtisseurs de Possibles, j’ai appris à laisser les élèves s’approprier un problème, y réfléchir, confronter leurs points de vue, affiner leurs méthodes de travail pour aboutir à la mise en place de leurs solutions.
Q : Chaque année, vous travaillez sur plusieurs projets, dont l’un porte sur l’aménagement de la classe. Pouvez-vous nous le présenter ?
B.P.: En mars 2016, Synlab, l’association qui porte le projet Bâtisseurs de Possibles, m’a sollicitée pour travailler sur cette problématique : que changer dans la classe pour mieux apprendre ? Chaque année, je sollicite mes élèves sur cette question. A eux de s’en emparer comme ils l’entendent. Pour les enfants, la classe compte ainsi trop de chaises, trop de tables, des meubles trop lourds à déplacer, peu de places pour s’exprimer et pas de prise en compte de leurs besoins individuels. Mais quelles solutions proposer ?
Q : Quelles sont les solutions proposées par la dernière classe avec laquelle vous avez travaillé ?
B.P.: Les élèves étaient installés par groupe de 4, mais ça ne leur convenait pas. L’aménagement leur posait trop de problèmes de relations et de déplacements. Par ailleurs, ils regrettaient que leurs besoins individuels ne soient pas pris en compte. En petits groupes, ils ont travaillé sur différentes organisations avant de voter pour leur solution préférée : une disposition en U avec une tente au centre pour permettre à ceux qui le souhaitent de faire un break ou de s’isoler. Je vais vous faire un aveu : je détestais cette idée. J’étais tellement en détresse qu’ils m’ont proposé de tout remettre en place. A force d’en parler avec eux et mes pairs, j’ai fini par m’adapter. Et cette organisation a parfaitement fonctionné. Mais rien n’est figé. L’année prochaine, j’accueillerai de nouveaux élèves, porteurs de nouvelles envies et d’une nouvelle vision. Et on changera tout !
Q : Quels sont les éléments de mobiliers plébiscités par les élèves ?
B.P.: Tous ces aménagements seront effectivement facilités lorsque nous disposerons du budget nécessaire pour acquérir un mobilier plus flexible. Les élèves aiment les tables sur roulettes qu’ils peuvent positionner au gré des activités. Ils apprécient aussi les tapis de sol pour lire ou faire leurs exercices de mathématiques, à l’écart du groupe. Mais la tente reste leur aménagement préféré. C’est leur ilot, l’endroit dans lequel ils aiment s’isoler quelle que soit la raison.
Q : Comment les élèves ont-ils réagi à cette méthodologie de projet innovante ?
B.P.: Chaque année, la démarche trouble les élèves. Mais ils font preuve de capacités d’adaptation que les adultes ont davantage de difficultés à mobiliser. C’est en les observant s’approprier les projets que j’ai appris à leur faire davantage confiance.
Q : Si la méthodologie est troublante pour les élèves, elle l’est aussi pour les enseignants, non ?
B.P.: Oui, la démarche est bouleversante pour les enseignants. Elle nécessite de réimaginer totalement notre posture. Ancrés dans nos habitudes, nous évoluons dans notre zone de confort avec nos papiers, nos feuilles et nos livres. La démarche a littéralement changé ma façon d’envisager l’enseignement. L’essentiel de mon travail se situe aujourd’hui en amont de la classe pour préparer le cadre dans lequel les élèves pourront libérer leur créativité. C’est ce qui rend notre métier captivant. J’ai toujours été passionnée par mon activité, mais, alors que je me trouvais en difficulté, Bâtisseurs de Possibles m’a aidée à retrouver le goût de l’enseignement. Les enseignants sont souvent seuls face à leurs expérimentations. Avec Bâtisseurs de Possibles, je profite d’un accompagnement bienveillant qui m’aide chaque jour à avancer. J’ai aussi la chance de travailler avec l’équipe de la circonscription particulièrement mobilisée dans cette réflexion sur les aménagements. Notre commune, également, nous a accompagnés dans l’expérimentation d’une salle flexible à l’ESPE de Cergy (TECHEDULAB) avec les élèves.
Q : Et l’année prochaine alors ?
B.P.: L’année prochaine, on verra. Ma classe ne comptera pas assez de tables pour accueillir tous les élèves inscrits. On va voir comment ils vont réagir et quelles solutions ils proposeront !
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