Témoignage de Xavier Garnier - "Le Future Classroom Lab"
Xavier Garnier est enseignant en Mathématiques au LP2I (Lycée Pilote Innovant International) de Jaunay Marigny. Il est surtout ambassadeur du Future Classroom Lab. Il est donc au cœur de l’innovation pédagogique à plus d’un titre ! Il nous a accordé une interview sur différents travaux en cours, dont nous livrons ici quelques aspects.
Qu’est-ce que le projet « Future Classroom Lab » ?
Le projet Future Classroom Lab est un projet porté par le réseau European Schoolnet (EUN)[i] pour concevoir la classe du 21è siècle. La réflexion porte en particulier sur la manière d’être efficient dans différentes situations d’apprentissage.
Un lieu expérimental pour les différents acteurs a été créé à Bruxelles dans les locaux d’EUN : l’initiative va bien au-delà d’un simple showroom puisqu’il s’agit d’intégrer des technologies et du mobilier dans l’environnement de manière pertinente pour répondre à un besoin pédagogique identifié au départ exprimé au travers de verbes comme :
- Échanger
- Créer
- Développer
- Interagir
Quelle conception de la pédagogie est sous-tendue dans cette initiative ?
Derrière tout cela il y a une idée de pédagogie de projet, avec un fil rouge d’apprentissage actif, c’est-à-dire apprendre en faisant. Et mieux qu’être actif, être acteur.
Faisons le parallèle avec le cinéma : si le réalisateur du film (l’enseignant) ne partage pas avec les acteurs (les élèves) le but du film et le sens des émotions à transmettre, le film sera évidemment mauvais : l’acteur a besoin de connaître et de partager les objectifs du film. C’est exactement pareil pour les élèves, ils ont besoin non seulement d’être actifs, mais aussi de partager les objectifs d’apprentissage qui font qu’ils sont en activité. De cette manière, ils deviennent acteurs, et pourquoi pas co-réalisateurs, par exemple en disant « nous pourrions apprendre autrement »… ainsi, grâce à eux le scénario pédagogique prévu par le professeur au départ pourrait être infléchi, modifié, amélioré.
L’une des manières de réussir ces apprentissages est donc d’en faire partager les objectifs par l’élève afin qu’il comprenne in fine ce quoi il va être évalué, ce qu’il doit apprendre.
L’expérimentation « les Experts »
Un modèle de développement des compétences du 21ème siècle, créé par le laboratoire américain ITL Research a montré qu’il existe plusieurs niveaux de collaboration :
- Les élèves travaillent ensemble
- Ils ont des responsabilités partagées
- Ils vont prendre des décisions substantielles ensemble
- Leur travail est interdépendant (si l’un ne fait pas le travail correctement cela va impacter la production finale).
A partir de cette méthode j'ai présenté un projet du Future Classroom Lab inspiré d'une méthode anglo-saxonne, nous l’avons appelé « Les Experts ».
Les élèves travaillent en groupes, on assigne à chacun une tâche précise en lui disant « tu seras l'Expert de cette tâche là ». Ensuite on éclate les groupes pour faire travailler ensemble les experts de la même tâche (par exemple tous ceux qui sont chargés de la vidéo dans leur groupe vont ensemble dans un même groupe Vidéo). Ils reçoivent une formation. Lorsqu'ils retournent dans leur groupe de départ, ils y apportent leur nouvelle expertise, ce qui va les valoriser et concourir à la réussite du projet de groupe.
Où l’on parle organisation de l’espace, mobilier et numérique…
D’un point de vue pratique, dans une salle de classe, cette expérience implique de constituer des groupes, puis de les déstructurer… mais où sont les tables les chaises ? Cela peut rapidement devenir le bazar !
Pour développer ce scénario des Experts, le meilleur allié est une classe flexible. Car il n'y a pas forcément de salle de classe idéale sinon celle qui permet au scénario pédagogique de se dérouler dans les meilleures conditions.
Plusieurs configurations sont possibles :
- Soit une salle qui va se reconfigurer facilement
- Soit différents espaces où aller en fonction des activités ; quitte à ce que les élèves qui n'ont pas les mêmes tâches à réaliser ne soient pas forcément dans le même espace. Dans cette hypothèse, les élèves sont un peu partout dans l'établissement avec - j'ai beaucoup aimé cette expression - le numérique comme colonne vertébrale. Il s’agit par exemple d’utiliser un document collaboratif type Google Doc. On peut ainsi suivre l'activité des élèves et voir s’ils satisfont à la tâche qui est demandée. De plus, tout le monde a accès au document : le travail des uns peut aussi bénéficier aux autres…
Postures physiques / intensité de l'attention / enseignements dispensés
Des études ont été menées sur les postures physiques en particulier aux États-Unis notamment par l'entreprise Ergotron qui est l'un des partenaires du projet Future Classroom Lab. Des bureaux réglables en hauteur y sont proposés, pour travailler
debout, du fait que quand on est actif avec le corps on apprend mieux avec la tête.
Je pense que lorsqu'on parle de d'apprentissage actif cela a des conséquences physiques qu’on n’a pas suffisamment anticipées. Le corps (celui des élèves) est un peu le grand oublié des salles de classe il y a certainement un travail à faire avec des ergonomes, par exemple mais explorer le fait de travailler en bougeant aide à la mémorisation.
« Le corps des élèves est le grand oublié des salles de classe … »
Dans la salle collaborative, nous voyons bien que ce qui est difficile dans un cours c'est de rythmer, d’arriver régulièrement à relancer l'activité. Je pense que cela peut passer par des déplacements, des déplacements « vers l’apprendre ».
J'ai vécu en début d'année une expérience assez intéressante où, dans notre lycée « Tout Numérique », les enseignants ont proposé un petit questionnaire pour parler des usages citoyens du numérique. Les élèves devaient se placer dans l'espace en fonction de leur degré d'acceptation des propositions : tout à fait d’accord, d’accord, pas d’accord, pas du tout d’accord (ce qu’on appelle un « débat mobile »). Par exemple sur « les réseaux sociaux sont un bon moyen de me faire des amis » les élèves devaient faire des choix discriminants. Dans cette salle volumineuse, on voyait d’un coup d’œil qui était d'accord, qui n'était pas d'accord. L’élève quant à lui voyait s'il était plutôt comme tout le monde ou dans un groupe restreint. Cette activité avait enregistré une participation bien au-delà de ce qu'elle aurait été s'ils avaient été assis en rang d'oignons chacun à leur table à simplement lever la main.
Enrichir les scénarios pédagogiques pour donner plus d'attractivité, plus de créativité aux élèves cela peut aussi passer par une succession de postures physiques différentes. On peut largement avancer là-dessus, pour peu que la salle le permette : il faut des espaces flexibles, des espaces ouverts et c'est dans la complémentarité des espaces qu'on va trouver la classe idéale. On crée des petits espaces originaux et laisser des zones non pensées pour que la communauté puisse se les approprier et exercer sa créativité.
Il y a quelques temps, nous avons rencontré un problème budgétaire sur un projet qui concernait initialement 3 salles : il en restait une que nous n’avions pas pu traiter. En attendant des financements complémentaires, nous avons laissé la salle aux élèves. Ils en ont fait un FabLab intéressant, avec une imprimante 3D, pas mal de « bidouille » pour construire des drones notamment. Cela a pris une allure tout à fait différente de ce que nous avions imaginé sur plan au départ !
Xavier Garnier est enseignant en Mathématiques au LP2I (Lycée Pilote Innovant International) de Jaunay Marigny. Pour consulter son blog, c'est par ici.
[i] European Schoolnet (EUN) est association de 31 ministères de l’éducation, basée à Bruxelles.
A découvrir également :
- L'article : Témoignage de Bruno Vergnes - "Un nouvel espace de travail pour réconquerir l'attention des élèves"
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