7 idées pour faire exister la classe virtuelle
Comment continuer à faire exister la classe quand élèves et professeurs sont physiquement dispersés ? Comment garder le lien entre les élèves et leurs enseignants et professeurs ? De nombreux dispositifs éducatifs numériques existent, mais comment les utiliser au mieux ? Quel plan B imaginer quand les outils académiques sont saturés ? Comment les enseignants peuvent-ils aménager leur espace de travail, selon qu’ils travaillent chez eux ou dans leur établissement ? Sites web et applis utiles, aménagements, organisation et activités : voici quelques idées et conseils glanés auprès d’enseignants (et de parents !) pour qu’un éloignement prolongé temporaire n’entraîne pas de décrochage scolaire... et pour continuer à faire vivre la classe, tout simplement.
#1 – On se familiarise avec l’ENT ou Espace numérique de travail
Depuis plusieurs mois, voire quelques années, certaines écoles ont mis en place leur ENT, ou Espace numérique de travail. Il s’agit d’une plateforme collaborative propre à chaque établissement mais respectant un cahier des charges défini par le ministère de l’Education nationale. Il existe des ENT dans le primaire, le secondaire (et les universités). Certains sont assez élaborés : ils permettent aux élèves de consulter un cahier de texte, d’aller chercher et de déposer des documents et des devoirs dans les dossiers spécifiques créés pour chaque matière. L’ENT au collège ou au lycée peut aussi proposer des forums de discussion. En primaire, pas de forums, mais un trombinoscope de tous les élèves, la possibilité pour chacun de s’envoyer des messages, d’actualiser son « statut » et son humeur... C’est crucial car les plus jeunes n’ont pas encore de téléphone donc pas de messageries instantanées. Le 13 mars 2020 au soir, après la fermeture de son école pour une durée indéterminée, une petite fille de CE2 particulièrement triste s’est mise à rire aux éclats devant son ENT, ouvert sur l’ordinateur de ses parents : elle venait d’y recevoir son tout premier message de la part de sa meilleure copine.
Sur l’ENT, les enseignants peuvent aussi publier des documents pour que les élèves retrouvent les activités et les projets en cours. Par exemple, Séverine Walker (alias MaîtresseSev) permet à ses 24 élèves de CE1 d’y « retrouver les centres d’autonomie, et notamment tous mes arcs-en-ciel de compétences. L’ensemble des documents se trouvent sur l’ENT de l’école, les élèves ont reçu leur ‘carte d’identité’ précisant leur niveau d’acquisition des compétences. Ils peuvent continuer à avancer dans ce travail de la manière la plus autonome possible ».
#2 – On utilise des applis spécialisées
Tous les établissements n’ont pas encore d’ENT. C’est le cas de l’école d’Aurélia Onyszko (alias Maitresse Aurel’). Du coup, l’enseignante utilise pour ses élèves de CP (parmi lesquels deux élèves ULIS) d’autres outils, dont Klassroom : « Cette application permet d’envoyer des photos, vidéos et autres documents aux familles, avoir des conversations privées avec elles ... C'est très simple d'utilisation et cela facilite beaucoup la gestion de l'enseignement à distance », explique-t-elle, en précisant qu’elle utilise Klassroom « tout au long de l’année pour garder un contact avec les parents et les élèves ». Mais en cas d’éloignement physique, « l’intérêt de l’application est grandement augmenté : les familles peuvent échanger entre elles et garder un contact ».
De son côté, Séverine Walker a elle aussi testé plusieurs applications éducatives, qu’elle propose à ses élèves quand ils ont la possibilité de les utiliser : « Ces outils en ligne permettent de travailler autrement la lecture, les calculs ou encore la production écrite, comme Pitetpit, Lalilo ou Dipongo. Ces applis et sites sont vraiment une mine d’or, ils sont créés par des personnes qui travaillent en lien avec les enseignants et qui ont à cœur de proposer des contenus pertinents et de qualité » explique l’enseignante.
#3 - On n’oublie pas le bon vieux mail et nos habituelles messageries instantanées
A la fermeture des écoles le 16 mars, au premier jour de l’école à la maison, les plateformes des établissements ont été surchargées par l’afflux de connexions simultanées. La situation se stabilise peu à peu et les espaces numériques comme les ENT ou la plateforme du CNED sont désormais accessibles. Cependant, si d’autres soucis de ce genre devaient se reproduire, mieux vaut créer un groupe WhatsApp avec les parents. Ça permet de partager des fichiers PDFs (leçons, exercices...) mais aussi de faire des « appels vidéos». Comme le souligne Aurélia Onyszko, « certains élèves gardent un contact vidéo entre eux par des applications comme WhatsApp ou Messenger et sous la surveillance de leurs parents ». Un professeur de mathématiques de 5e indique pour sa part que « d’habitude je dis aux élèves de ne pas trop rester sur les messageries instantanées... Mais quand on est à distance, je les encourage à maintenir actif le groupe qu’ils ont créé d’eux-mêmes sur WhatsApp dès le début de l’année scolaire. Il faut se parler, entretenir les liens ». On pense aussi à Skype, Messenger, Tango... Le tout est de pouvoir créer un groupe commun.
#4 – On fait cours en visio-conférence
L’enseignante @Presque_maîtresse indique sur son compte Instagram utiliser la plateforme du CNED pour organiser des visio-conférences avec ses élèves en difficulté en primaire. De son côté, Aurélia Onyszko explique elle aussi faire des visio-conférences individuelles ou collectives via la classe virtuelle du CNED, pour ses élèves de CP.
Et si les élèves du collège et du lycée expérimentaient dès maintenant les visio-conférences qu’on pensait réservées au monde professionnel ? Dans le salon à la maison, on n’entendra plus seulement : « Silence ! maman et papa parlent pour le travail ! », mais aussi : « Taisez-vous ! J’ai mon cours de maths qui commence ! »
Pour beaucoup d’enseignants, cette façon de travailler est totalement nouvelle. Pour préparer un cours en visio-conférence, le mieux est de prendre un rendez-vous avec les élèves en leur envoyant un message via l’ENT ou par email, voire en passant une trentaine de coups de téléphone pour être sûr que tout le monde a bien reçu l’information. Au passage, on leur demande de télécharger un outil numérique spécifique (Zoom, GoToMeeting...). On peut partager la classe en plusieurs groupes pour faciliter la séance. L’enseignant peut s’installer dans sa classe, ou chez lui. Le plus simple est de demander aux élèves de se munir d’ardoises effaçables où ils pourront écrire leurs réponses et les montrer à la webcam.
Pendant une heure, même dans son salon, sa chambre ou sa cuisine, chacun a le sentiment de se retrouver en classe, ce qui est très profitable pour « l’esprit de groupe ». Cette pratique implique que chaque enfant puisse utiliser un ordinateur, un smartphone ou une tablette (munis de préférence d’un casque ou d’écouteurs), d’un micro et d’une webcam performante... et d’un espace au calme le temps de la leçon.
#5 – On s’aménage un environnement de travail confortable et efficace
Pour un enseignant, faire classe à distance, surtout depuis son domicile mais aussi depuis l’école, demande quelques aménagements. Cela passe surtout par un fauteuil confortable, si possible une chaise ou fauteuil de bureau, pour faire face aux heures de travail sur ordinateur.
Séverine Walker, qui travaille depuis chez elle, a emprunté à son mari sa chaise de bureau, bien plus confortable que celles de la cuisine ou du salon... Elle aussi d’autres astuces pour rendre son environnement de travail agréable : « Je lance des playlists avec des musiques calmes. Il existe énormément sur le net mais mes préférées viennent de la chaine Youtube Alexrainbirdmusic. Et je m’octroie régulièrement des pauses pour souffler et faire d’autres choses (lire un livre, jardiner, continuer des projets personnels, faire du bricolage, etc.). J’ai récemment suivi une formation en ligne dans laquelle ils précisent bien que le temps de concentration moyen est de 30 minutes. Au-delà, on peut en attention et donc en efficacité ».
Aurélia Onyszko indique pour sa part disposer de son PC personnel avec micro et webcam, « d'une imprimante-scanner et d'une connexion internet. Je travaille dans ma salle à manger, mon salon ou depuis ma chambre à coucher, » précise-t-elle. Et pour elle aussi, « un vrai bureau avec un bon fauteuil de travail ergonomique serait très pratique et apprécié... » même si, « avec mes enfants dont je dois m’occuper, je ne pourrais pas m'y installer bien longtemps. Mais c'est dans mes projets d'achats ! »
#6 - On puise dans les contenus digitalisés du programme scolaire
Parfois pas facile de scanner ses propres cours et fiches d’activités... De nombreux éditeurs de manuels scolaires ont mis gratuitement à disposition des utilisateurs, enseignants et parents, la version numérique des livres de classe. Idéal pour partager des contenus (leçons ou exercices) entre le professeur et les élèves. « Biblio Manuels » regroupe ainsi la bibliothèque numérique des éditeurs Bordas, Nathan, Le Robert, Retz. La plateforme « Mes manuels » concerne pour sa part les éditeurs scolaires du groupe Hachette. Quant à la Plateforme Lib-Manuels, elle regroupe les versions numériques des manuels scolaires des éditions Delagrave, Magnard et Vuibert.
Le CNED a pour sa part numérisé l’ensemble des contenus du programme scolaire pour chaque classe. Il a tout regroupé sur sa plateforme « Ma Classe à la Maison », ouverte aux enfants et aux professeurs. Les enseignants peuvent y choisir des contenus pertinents s’ils manquent de ressources digitales, et les partager avec leurs élèves via leur ENT ou un autre outil de messagerie.
Les parents adorent la section « Activités interactives », particulièrement ludiques pour les plus petits : beaucoup de jeux et de quizz, avec des consignes vocales. Il suffit de choisir une activité interactive et de proposer à son enfant d’y participer. On écoute avec lui la consigne et on lui montre comment fonctionne l’interface (de ce côté-là, pas d’inquiétude : il y a des chances qu’il ait déjà tout compris bien avant nous).
#7 - On lance des défis de classe !
C’est le moment d’animer le quotidien et de lancer des défis de classe via les différents outils disponibles, que ce soit l’ENT ou tout simplement une messagerie professionnelle, ou même personnelle. Cela peut se faire par l’envoi de documents aux familles, comme le montre Marina, enseignante de CE2, sur compte Instagram @maisquefaitlamaîtresse.
Parmi les idées de défis qu’on voit circuler sur les réseaux, il y a l’envoi d’un tautogramme à la maîtresse par chaque élève, mais aussi des activités plus amusantes : demander aux enfants d’envoyer une photo d’eux masqué et déguisé, etc. Résultat : gaieté soudaine dans la maison, l’esprit de la classe revit... L’école reprend ses droits. Chaque fois, il s’agit de « trouver des activités motivantes, ludiques et qui facilitent aussi aux parents la mise en place de cette ‘classe virtuelle’», explique Séverine Walker, en soulignant que « de nombreuses enseignantes sur les réseaux envoient à leurs élèves de courtes activités ludiques permettant de sortit du cadre purement scolaire et de développer d’autres compétences. Pour ma part, je compte leur proposer de réaliser des recettes de cuisine et de m’envoyer une photo du résultat, ou encore de prendre en photo les nuages dans le ciel (pour éventuellement les comparer et les étudier). Ils pourront aussi photographier des plantes de leur jardin ou balcon quand ils en ont un, et faire deviner aux autres de quoi il s’agit. Et je vais aussi leur proposer de créer eux-mêmes des défis et de les lancer aux autres élèves de la classe ».
Aurelia Onyszko va organiser avec des collègues « un Flashmob à distance, à l'aide de vidéos, pour que les élèves puissent faire un peu d'EPS à domicile. Et le jour de la reprise de l’école, tous les enfants réaliseront le Flashmob dans la cour. Cette perspective les motive et permet de créer un sentiment d'appartenance malgré la distance... »
Et puis, cela leur rappelle aussi qu’un jour ou l’autre, ils seront réunis.
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