Jeu et apprentissage en maternelle : quels aménagements pour la classe ?
Le jeu est un outil pédagogique à part entière. Il est particulièrement important en maternelle pour l’apprentissage et le développement des enfants, à tous les niveaux : physique, moteur, sensoriel, mais aussi social. Pour faciliter l’intégration du jeu dans les différentes activités, l’aménagement de la classe a aussi son rôle à jouer.
« Le jeu devrait être considéré comme l'activité la plus sérieuse des enfants », a affirmé Montaigne…au XVIe siècle. L’écrivain philosophe était décidément précurseur. Car il n’y a pas si longtemps, le jeu était encore considéré comme une activité frivole et occupationnelle, même pour les plus jeunes. Cette croyance n’a heureusement plus vraiment cours aujourd’hui, et l’apprentissage par le jeu en maternelle est généralement adopté dans toutes les classes du préscolaire. Le programme du ministère de l’Éducation lui-même stipule que « le jeu favorise la richesse des expériences vécues par les enfants dans l’ensemble des classes de l’école maternelle et alimente tous les domaines d’apprentissages. Il permet aux enfants d’exercer leur autonomie, d’agir sur le réel, de construire des fictions et de développer leur imaginaire, d’exercer des conduites motrices, d’expérimenter des règles et des rôles sociaux variés. Il favorise la communication avec les autres et la construction de liens forts d’amitié. (…) L’enseignant donne à tous les enfants un temps suffisant pour déployer leur activité de jeu. Il les observe dans leur jeu libre afin de mieux les connaître. Il propose aussi des jeux structurés visant explicitement des apprentissages spécifiques. »
Le ministère de l’Éducation a également publié en 2015 un rapport très riche sur ces différents points. Intitulé « Jouer et Apprendre, Ressource Maternelle », ce document propose aussi des idées pour intégrer le jeu dans le parcours scolaire en Petite, Moyenne et Grande sections, non seulement en matière de pédagogie, mais aussi d’aménagement des espaces.
Le jeu comme outil d’apprentissage : différentes catégories
« Le jeu ce n’est pas le chaos », comme le rappel de façon amusante cette vidéo de l’Ontario Science Center au Canada dédiée au rôle du jeu dans l’acquisition d’un esprit scientifique chez les enfants. Même libre, le jeu a besoin d’un cadre, qui s’exprime à travers les règles préétablies et expliquées par l’enseignant (qui donne aussi le départ et la fin de la période de jeu), mais aussi par un environnement et un équipement bien pensés.
Qu’il s’agisse de jeu libre (où l’enfant se construit son propre parcours dans un cadre et selon des règles d’utilisation et de comportement expliquées par l’adulte) ou de jeu structuré (sans ou avec objectif d’apprentissage explicite), on peut distinguer quatre catégories de jeu :
- Jeux d’exploration : sensori-moteurs, manipulations, expérimentations, découvertes... L’enfant interagit avec son environnement matériel et social, découvre son pouvoir d’agir sur les choses.
- Jeux symboliques : imitation immédiate, « faire semblant » (imitation différée), jeux de rôles, mises en scène... L’enfant réinterprète la réalité de son vécu puis invente ses propres scénarios ; il se construit comme individu autonome mais apte à jouer son rôle social au sein d’un groupe.
- Jeux de construction : assemblages, fabrication... L’enfant utilise du matériel pour construire ou créer des objets – pâte à modeler, briques, planchettes, blocs à assembler sans ou avec emboîtement ou dispositif de liaison, puzzles, dessins, productions... Il réalise selon ses propres choix ou selon des directives. Il se confronte au monde physique et aux lois qui le gouvernent.
- Jeux de règles : jeux individuels ou collectifs, jeux de société… L’enfant joue seul ou avec ses camarades, se conformant alors à un cadre commun qui peut être fixe ou négocié. Il adapte ses conduites sociales et à met en œuvre des stratégies au service de projets ou d’objectifs.
Jouer pour apprendre, dans une classe aménagée en microzones d’activités
Jouer à deux à la poupée chez les plus petits (comportements sociaux), trier des formes (géométrie), compter des objets (mathématiques), différencier et reconnaitre des lettres (avant d’apprendre à lire) : le jeu peut être utilisé pour différents apprentissage, il est transversal. Plutôt qu’un « espace réservé au jeu », mieux vaut aménager la classe en plusieurs micro-zones, chacune d’elles pouvant accueillir des types de jeux différents.
Pour ces aménagements, quelques principes généraux simples peuvent prévaloir :
- Ces zones doivent être bien définies : utiliser des couleurs et différents types de mobilier par exemple. Cela donne des repères clairs pour l’enfant et l’aide à se structurer dans son activité, surtout pour le jeu libre en classe.
- Le matériel et mobilier doit être facile à nettoyer : le jeu, surtout le jeu d’exploration sensorielle qui fait appel à des matières comme du sable par exemple, est souvent salissant.
- Délimiter et aménager un espace central dans la classe, lui aussi bien aménagé (poufs, tabourets) : il permet d’une part de rassembler les enfants pour un jeu collectif ou l’explication de règles, mais aussi à l’enseigner d’avoir une vue d’ensemble sur les autres zones d’activités.
- Le matériel doit être facile d’accès : rangements à hauteur d’enfants dans des meubles à casiers ou étagères à la hauteur des enfants, et sans empilements compliqués à mobiliser. Les jeux doivent être visibles, dans des boites transparentes ou clairement identifiées par des étiquettes.
- On peut aussi installer une ludothèque, au sein de la classe si l’espace le permet, ou commune à plusieurs classes, comme le suggère le rapport du ministère de l’Éducation. Les règles précises de son utilisation (et de son organisation) seront expliquées aux enfants. Il n’est pas forcément nécessaire de consacrer tout un local à cette ludothèque : un meuble commun peut suffire, même placé dans un lieu informel (dans un couloir suffisamment large, par exemple).
- Les microzones de la classe doivent être évolutives, pour suivre les besoins des enfants au fil de leur développement : choisir du mobilier à roulettes ou sur patins, pour plus de flexibilité pendant l’année. Choisir des équipements mobiles permet également d’adapter une classe à plusieurs âges dans le cas d’une classe de maternelle « multi-âges » : on ne joue pas de la même manière en Petite, Moyenne ou Grande section.
Des jeux et des espaces qui évoluent avec l’âge des élèves
En Petite Section, (vers 2 ou 3 ans, quand l’enfant se découvre et s’affirme en tant que sujet), on favorise les jeux d’exploration et de construction pour la motricité fine.
Prévoir les espaces où l’enfant peut s’installer avec son jeu : au sol sur un tapis, ou à sa table si elle présente une surface assez vaste. Les jeux sollicitant la motricité sont bien sûr particulièrement importants. Ceux-ci nécessitent de sortir de la classe et de se rendre dans le gymnase ou la cour de récréation.
Vers 4 ans, en Moyenne Section, les apprentissages sont acquis de manière « informelle », au cours de jeux libres et de premiers jeux structurés, avec de plus en plus de temps consacrés aux jeux symboliques, de construction et d’exploration.
C’est le moment de jouer avec des gommettes et petits éléments à coller, pour la motricité fine. On peut aussi proposer différentes matières pour les découvertes sensorielles (sable, liquide, pâte…), présentés dans des récipients adaptés, maniables mais assez profonds pour éviter tout débordement.
En Grande Section, un espace est consacré aux activités de préparation à l’écriture. Cela implique des assises plus stables, pour que l’enfant s’installe correctement et confirme sa bonne tenue du crayon.
Mais cette zone, d’allure plus « classique » (un plan de travail avec des assises tout autour), peut aussi servir à des activités de jeu en classe : jeux de société, jeux de construction ou puzzles de plus en plus complexes. Les autres zones d’activités peuvent rester en place, pour les jeux d’exploration scientifiques par exemple (la vidéo de l’Ontario Science Center donne plusieurs idées en ce sens, même si elle s’adresse souvent à des enfant un peu plus grands). On peut aussi intégrer le numérique dans le jeu en maternelle : jeu d’exploration notamment, en utilisant une tablette pour la capture d’images en lien avec un sujet évoqué en classe (insectes, plantes…)
Finalement, on constate que l’apprentissage par le jeu est incontournable chez les enfants (et ça ne s’arrête pas chez les « grands » : il suffit d’observer les nombreuses solutions de formation pour les adultes, fondée sur le « gaming »). L’aménagement de la classe, avec ses petites zones bien délimitées, est crucial. Définis par l’enseignant, ces espaces contribuent à donner à l’enfant un cadre sécurisant, mais aussi inspirant, grâce à une diversité de couleurs et de formes, et au confort qu’il propose.
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