Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

Secondaire

Focus sur l’Atelier Arts Lab, une salle d’Arts plastiques pas comme les autres

16 septembre 2019
Témoignages

Le collège la Marquisanne à Toulon a ouvert en septembre dernier un nouvel espace dédié à l’enseignement des Arts plastiques, baptisé « l’Atelier Arts Lab ». Marie Bara, Professeure agrégée d’Arts plastiques dans l’établissement, est à l’origine de ce projet. Nous revenons avec elle sur cet espace qui, bien au-delà de la discipline artistique, souligne encore une fois le rôle des aménagements dans les apprentissages et le climat scolaire.

L’Atelier Arts Lab, dédié à l’enseignement des Arts plastiques au collège La Marquisanne à Toulon, est ouvert aux élèves depuis la rentrée 2018. Vous pouvez en découvrir une belle description sur le site Archiclasse. Marie Bara, professeure d’Arts plastiques au sein de cet établissement situé en REP+, s’est particulièrement impliquée dans l’élaboration et à l’implémentation de ce projet. Également formatrice Arts plastiques et Numérique, elle nous donne sa vision de l’Arts Lab, une salle de classe pas comme les autres qui prend en compte la circulation et les différentes postures des élèves pour travailler.

Comment avez-vous pris conscience de l’importance des postures dans le travail des élèves?

Cela fait huit ans que j’enseigne dans ce collège en REP +. Actuellement j’ai dix-sept classes… J’ai tout simplement observé les élèves. A les regarder, on réalise assez rapidement que passer la journée assis sur une chaise sans bouger devient difficile et contraignant pour eux… comme cela peut l’être pour les adultes. Par ailleurs, dans beaucoup d’établissements, il n’est souvent pas autorisé de circuler en classe de manière spontanée. Il est évident que des règles doivent être respectées pour les déplacements, car il peut vite y avoir des débordements. Mais il faut aussi se rendre compte que plus on empêche les élèves de circuler, voire de bouger, plus cela induit une tension du climat scolaire. Circuler permet aussi à certains enfants de rester davantage concentrés. Selon moi, autoriser les élèves à se déplacer, dans un cadre défini, facilite l’apprentissage. On ne peut pas apprendre correctement si le corps est trop contraint pendant trop longtemps.

Dans l’Arts Lab, les élèves circulent pour s’entraider, se regrouper en ilot pour un travail collaboratif, ou encore pour rejoindre une surface inscriptive comme une table veleda ou un mur d’écriture pour les projets et les travaux éphémères en grand format. Pouvoir travailler debout en classe apporte quelque chose de différent.

Qu’est-ce qui vous contrariait le plus dans votre ancienne salle d’Arts plastiques ?

Elle était très figée. On ne pouvait pas suffisamment varier les postures, et travailler au sol par exemple. C’était une salle standard, comme les autres classes. Le mobilier était imposé. Pour l’Atelier Arts Lab, avec les élèves, nous avons réfléchi ensemble à l’aménagement. Ils se sont sentis impliqués, ce qui est très important : les salles classiques aménagées « en autobus » accentuent souvent le sentiment d’ennui chez les élèves. Cet ennui en classe, cette « lassitude », c’est un vrai problème (qui n’est pas nouveau !) On cherche tous des solutions pour y répondre, que l’on soit en REP+ ou ailleurs. Inciter les élèves à décider eux-mêmes d’aller s’asseoir à tel endroit dans telle posture, à se réunir pour travailler en groupe, etc, cela permet de les engager dans ce qu’ils font.

Ces aménagements pourraient finalement intéresser toutes les salles de classe, et pas seulement celles dédiées aux Arts plastiques ?

Tout à fait. Inciter l’élève à faire des choix, c’est inhérent aux Arts plastiques, mais c’est vrai aussi pour toutes les matières : appeler l’élève à décider, c’est appeler l’élève à s’engager, donc à sortir de la passivité. Certains ne ressentent ni envie ni besoin : avoir en face de soi des camarades qui travaillent autour d’un établi par exemple, ça peut contribuer à susciter l’envie ! Oui, l’un des objectifs de cet espace pas ordinaire, c’est de « donner envie » aux élèves.

De leur côté, que disent les élèves ?

Les remarques et commentaires diffèrent selon l’âge, le caractère… et le moment de la journée ! Certains enfants un peu scolaires, surtout en 6e, sont davantage attachés aux salles classiques. Ils les considèrent comme « sécurisantes » parce qu’elles leur sont familières, et parce qu’elles leur demandent moins d’esprit d’initiative, donc moins d’audace.
D’autres élèves au contraire sont très demandeurs d’espaces plus originaux et ont tout de suite souhaité se déployer  dans celui du Arts Lab. La salle a été ouverte à la rentrée 2018, les espaces se sont constitués au fur et à mesure de l’année scolaire. Les élèves se sont approprié les lieux petit à petit. Ils soulignent beaucoup le confort et le bien-être qu’ils y ressentent. Un jour, un intervenant de passage dans l’établissement a dit en cours d’Arts plastiques : « Elle est belle, cette salle ». Les élèves ont dit « Merci ! ». Pour eux, c’est réellement leur salle, alors qu’ils y passent seulement une heure par semaine. Et puis, ils ont parfois des idées inattendues : quand je leur ai demandé ce qu’ils souhaiteraient y ajouter, ils m’ont dit qu’ils aimeraient bien… plus de  livres d’art ! Cela m’a surprise, je pensais qu’ils demanderaient plus d’installations numériques.

Le numérique  justement est présent dans l’Arts Lab, qui comporte par exemple un fond vert pour des incrustations vidéo. D’une manière générale, quelle est la place du numérique dans votre salle de classe ?

Je m’inspire beaucoup des expérimentations menées, dans l’académie de Nice, par Brice Sicard et David Cohen, qui intervennaient lors de colloques pour présenter leurs travaux et réflexions, notamment concernant la pratique « BYOD » (Bring Your Own Device, ou en français pour « AVEN » Apportez vos équipements numériques, « AVEC » Apportez vos équipements connectés, « ATAC » Apporte ton appareil en cours ;) ). Nous travaillons  avec les « Ordiphones », c’est-à-dire que l’on utilise de façon pédagogique le smartphone en classe comme un ordinateur, dans le respect de la loi du 3 août 2018 (relative à l’encadrement de l’utilisation des téléphones portables dans les établissements d’enseignement scolaire, ndlr). On s’en sert par exemple pour prendre une photo et garder la trace d’un travail réalisé mais effaçable. Par ailleurs, nous avons quatre tablettes, que l’on introduit de manière réfléchie dans des projets bien cadrés.

Percevez-vous une prise de conscience générale de l’impact des postures sur les apprentissages à l’école?

Le cas des Arts plastiques est un peu particulier car cette discipline permet de toute façon de travailler dans différentes postures. Mais en participant aux salons et événements dédiés à l’éducation, comme le colloque Ecritech ou les Rencontres de l’Orme par exemple, on se rend compte que ces questions de postures et de circulation sont transversales à toutes les disciplines. Ces conférences permettent aussi de rencontrer d’autres enseignants intéressés par les aménagements de l’espace de la classe. Nous avons de la chance dans l’Académie de Nice, d’avoir une IA-IPR, Mme Josyane Rouch et une CARDIE (Conseillère Académique Recherche développement Innovation Expérimentation ), Mme Frédérique Cauchi-Bianchi  qui accompagnent les projets et sont particulièrement sensible aux questions liées au rôle des aménagements dans l’apprentissage scolaire. Cela crée un réseau très dynamique. Le partage d’expériences permet aussi de lever les freins que l’on se met à soi-même en matière d’aménagement : en voyant ce que font les autres, on se rend compte que nos projets sont tout à fait réalisables.

Que diriez-vous à des confrères souhaitant aménager leur salle de classe différemment ?

Je leur recommanderais de bien réfléchir à l’espace dont ils disposent, puis de commencer par faire le tour de leur établissement pour voir s’il y a du matériel à récupérer, dans la mesure où leur institution l’autorise. Dans le cas de l’Arts Lab justement, il y a peu d’investissement dans du mobilier scolaire flexible, il s’agit surtout de matériel de récupération. Il a été nécessaire de s’assurer que les équipements assuraient bien la sécurité des élèves. L’adjointe gestionnaire, Mme Lebrun-Remy, nous a beaucoup soutenus. Bien sûr, il a été fait le choix d’un matériel sans danger, et robuste. Par exemple, des établis ont été récupérés. Ou de grandes tables pour créer des ilots de travail en classe.
On peut aussi mixer ce mobilier de récupération avec du matériel brut, comme des planches en bois, qu’on trouvera chez des enseignes spécialisées dans le bricolage. Et puis, il ne faut pas oublier qu’aménager l’espace, ce n’est pas seulement ajouter du matériel, c’est aussi en enlever : par exemple, j’ai choisi de supprimer le bureau du professeur de la classe. Je m’installe avec les élèves autour d’un vaste plan de travail sur lequel je pose mes affaires. Cela a permis de gagner de la place… Tout le monde s’y retrouve.

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