[ZOOM EN IMAGE] : Au Collège Numérique Innovant La Fontaine Margot à Brest
Le Collège la Fontaine Margot est un établissement numérique qui compte actuellement 340 élèves. Pourquoi « numérique » ? Parce qu’il est entièrement couvert avec le Wifi (13 bornes), une centaine de tablettes sont à la disposition des enseignants qui peuvent les réserver à tout moment, toutes les salles sont équipées de matériel informatique récent et de vidéoprojecteurs. En outre le collège compte 3 salles informatiques… Le logiciel Pearltrees, permet le partage de textes, photos, video, et la communication professeurs – élèves. Le logiciel de vie scolaire Pronote assure la communication sur les aspects pratiques entre les élèves, les parents et les professeurs (cahiers de textes, notes, etc.) Gilles Cornillet, Principal de cet établissement, fait ici un retour d’expérience de ces 4 années de Numérique. Il en explique ici les enjeux et les bénéfices, ainsi que le sens qu’il a voulu donner à cette évolution. Car toute cette technologie serait inutile si elle n’avait pas un sens : ouvrir des perspectives, simplifier la vie, permettre une approche différenciée et une pédagogie nouvelle, préparer les élèves à la coopération et à la citoyenneté.
Q : En quoi le numérique transforme-t-il la manière d’enseigner et d’apprendre ?
R : « Certes on parle beaucoup de pédagogie inversée…. Mais il faut regarder plus loin, vers la prise en compte des différents niveaux, profils et potentiels des élèves. Le numérique permet effectivement de différencier sa pédagogie, de faire du sur-mesure.
Il s’agit d'adaptation aux différentes possibilités des élèves : il y a ceux qui sont en difficulté et ceux qui peuvent aller plus loin.
Lorsqu’un élève est dyslexique, le professeur va transmettre la trace écrite sur Pearltrees, mais il va aussi faire un enregistrement vocal (avec son portable ou une tablette) qui va constituer la trace sonore, à mettre en parallèle pour que l'élève puisse lire le document mais aussi l'entendre. Ces logiciels permettent d'intégrer des polices lisibles par exemple en police 14 avec des lettres écartées avec des espaces suffisants entre les lignes.
Vous avez 8 élèves, vous pouvez leur faire faire 8 dictées différentes chacun sur une tablette. Pour chacun sur son compte Pearltrees il y aura une dictée enregistrée. Les élèves prendront leur casque, ils auront 10-15 minutes pour faire la dictée. Ils pourront revenir sur la phrase qu'ils ont mal comprise et fournir à l'enseignant la dictée qu’ils ont écoutée.
Le temps moyen d'utilisation du logiciel Pearltrees par les élèves au collège et de 55 minutes/ jour ; pour les professeurs il est de 98 minutes/ jour.
Un autre exemple flagrant s’est produit lors d’un conseil Ecole-Collège avec des écoles primaires.
Le but était de faire des démonstrations de Pearltrees pour des élèves de SEGPA. Les enseignants disaient : « avant ils ne mettaient jamais les mains dans leur cahier le soir !
Maintenant avec Pearltrees, parce qu'ils ont un smartphone dans la poche, ils ouvrent, ils écoutent et ils travaillent beaucoup plus ! »
Ce qui veut dire que cela fonctionne ! Quand on utilise des outils numériques, on a toujours une réticence par rapport aux écrans : on sait qu’ils peuvent nuire… mais seulement s’ils sont mal utilisés !
Les élèves de cette génération sont nés avec des écrans, pour eux c'est leur outil, un peu comme un stylo pour nous ! Si on arrive à y intégrer du contenu intéressant, intelligent et structurant, ils se l'approprieront !
Par exemple le tweet littéraire fonctionne très bien : les élèves commentent des œuvres littéraires par des Tweets… il y a des échanges et cela les amène à lire, à twitter et à commenter…
C'est un collège qui se sert des outils numériques de manière intelligente et qui essaie de structurer les pensées et de faire travailler les élèves de façon collaborative.
Les élèves ont parfois beaucoup de mal à s'organiser : il faut voir certains classeurs ou certains cahiers ! La trace écrite[1] est parfois mauvaise. Maintenant, ils peuvent se référer à une trace écrite structurée et rangée sur Pearltrees, dans les collections des enseignants[2]. Les enseignants peuvent publier directement sur les comptes des élèves. Les élèves savent qu'ils ont un travail à rendre pour tel jour et ils ont une bonne trace écrite pour s’en acquitter dans de bonnes conditions.
Un exemple : en fin de cours l’enseignant photographie son tableau parce qu'il y a une bonne trace écrite ; il la dépose sur Pearltrees en un clin d'œil. A peine les élèves ont-ils commencé à descendre les escaliers que le cours est déjà sur leur compte Pearltrees !
Ils ont réalisé qu'avec l'outil ils pouvaient faire ce dont ils rêvaient encore il y a quelques années.
Les professeurs ont adapté leur pédagogie…
Avec Pearltrees, ils peuvent utiliser tout ce qui existe sur le web, comme YouTube, les tutoriels, toutes les vidéos disponibles, sans les publicités. Ils ont aussi la possibilité d’adapter la progression. C’est l'ouverture des champs des possibles, l'adaptation aux élèves !
Certains professeurs me disent « je ne pourrais pas revenir en arrière, je ne pourrais pas adapter mes cours comme je le fais maintenant, ce ne serait pas possible ». Ils peuvent à la fois échanger avec des collègues d'autres établissements et travailler plus vite. Ils échangent avec les élèves et les élèves utilisent l'outil. L'espace collaboratif ne se situe plus seulement au niveau du collège !
Ouvrir les possibles
En mathématiques : les élèves font des vidéos tutoriels pour expliquer de la trigonométrie, les statistiques, les suites… ils expliquent ce qu'ils ont compris, ils choisissent le meilleur tutoriel et le mettent à disposition sur Pearltrees pour l'ensemble des élèves, sous contrôle de l’enseignant bien sûr.
Autre exemple : on explique la météo en espagnol, on filme, avec l’application iMovie, l’élève puis on diffuse sur Pearltrees ; les élèves regardent plus tard et interprètent le sens de chaque mot et dit « c'est un de mes camarades qui l'a expliqué » … et la vidéo, c'est une autre dimension !
Si un élève est malade : avant on se posait la question de savoir comment il allait rattraper ses cours. Maintenant, ce type de préoccupation n’a plus cours ! Il est même arrivé qu’à son retour, l'élève avait déjà récupéré ses cours fait ses devoirs ! L'élève sérieux qui a envie il va forcément trouver l'information : il aura le cours du professeur.
Bien sûr il est préférable de faire ce constat plus en amont, en procédant à des points intermédiaires. Les professeurs disposent d’un formidable outil de pilotage : ils voient les élèves progresser, ce qui bloque, ils peuvent intervenir.
Q : Et quid des espaces ?
R : Le mobilier et les espaces, je pense que c'est important… les espaces dans la salle de classe doivent être modulables, s’adapter avec des meubles mobiles notamment et aussi dans les salles de cours, les couloirs, les cours de récréation, les halls.
La classe flexible - Collège la Fontaine Margot à Brest
J’utilise beaucoup de bancs dans les halls ou des poufs pour pouvoir s'asseoir dans des endroits ouverts ; dans des petits halls je propose des babyfoots, dans un autre endroit j'ai mis un billard à disposition…les élèves respectent les lieux s’ils sont bien entretenus, si on est exigeant et si le collège s'occupe d'eux.
- Ils avaient demandé par exemple une fontaine à eau un peu à l'américaine ; nous en avons mise une à disposition ;
- Ils avaient aussi souhaité avoir des cartes de Collégien pour se sentir un peu lycéen ou essayer d’obtenir des réductions dans les McDo : nous leur avons accordé, ce qui nous a également permis de gérer des régimes de sortie plus simplement. De plus, cela développe aussi un sentiment d'appartenance au collège.
Ce travail sur tous ces éléments : le mobilier, l'espace joue beaucoup sur le climat scolaire.
Si les moyens le permettent, c'est intéressant de le faire… et sinon, il faut trouver des astuces pour payer moins cher… Par exemple, je fais venir des bancs en béton d’un lycée professionnel qui est à 3 km ce qui divise les prix par 3.
Tous ces petits détails de la vie font que les élèves se sentent bien, communiquent bien, travaillent bien. Ils sont moins absentéistes et ont une relation de communication avec les adultes plus fluide et plus sereine. Ils ne se sentent pas agressés : le collège devient un lieu de vie intéressant pour eux.
Q : Et comment se traduit l'esprit collaboratif ?
R : Nous avons ajouté le mobilier qui convient à l'esprit collaboratif. Car dans un endroit avec des salles « en autobus »[3], il manque quelque chose : on ne peut pas partager, on ne peut pas travailler ensemble.
Nous essayons de développer les conditions du travail collaboratif dans un maximum de salles. J’ai organisé une salle où le mobilier est extrêmement mobile : les chaises sont sur roulettes, les tables ont des roulettes à l'avant et des patins à l'arrière donc il suffit de les soulever légèrement pour les bouger. Elles sont colorées, parce que la couleur a aussi son importance : avoir des lieux assez gais pour les élèves c'est important !
On trouve aussi dans cette salle des chaises position haute comme dans des cafés par exemple, mais aussi des endroits où on peut lire avec des « Fatboys » de couleur ou prendre une tablette sur ses genoux et travailler. C'est l'esprit start-up ! Très clairement dans les salles de CDI ou d'études j'ai voulu instaurer un esprit Starbucks café c'est-à-dire des grands plateaux comme on en trouve dans ces endroits de restauration ou à l’université. C'est l'esprit qui m'anime au quotidien ici ! Permettre aux élèves de communiquer, de développer leur esprit critique et de collaborer entre eux.
Centre de Documentation et d'Iinformation (CDI) - Collège la Fontaine Margot à Brest
Q : Parmi les nouvelles compétences, on parle beaucoup de savoir être et vivre-ensemble qu'en pensez-vous ?
R : Les mauvais gestes ou les noms d'oiseaux entre les élèves, pire, les insultes n’ont pas cours dans l’établissement et sont sanctionnés systématiquement. J’invite les adultes à le rappeler régulièrement. Toutes ces micro-agressions de la vie ne sont pas tolérables
C’est du Vivre Ensemble ! On est bienveillants mais fermes !
Je suis là pour que les collégiens passent ces années dans les meilleures conditions possibles, pour qu'ils se forment et pour qu'ils aient les meilleurs outils, les meilleures armes pour attaquer le lycée général ou professionnel. Mais aussi, nous formons des citoyens, des gens qui savent vivre ensemble et respecter des codes.
Ici le téléphone portable est interdit depuis des années : dans les couloirs, dans la cour. Pour autant, nous allons développer cette année un wifi élèves : parfois dans les cours les professeurs en ont besoin, mais ce sera exclusivement un usage pédagogique.
Alors, dans la cour ou durant le temps de midi, les élèves peuvent faire autre chose : il y a un billard, des babyfoots, des tables de ping-pong… On peut jouer au foot, il y a la musique, des séances de cinéma, le théâtre d’improvisation, la chorale, le FabLabs, de la robotique… ils peuvent discuter : il y a des bancs, ils ne sont pas « scotchés » sur leur portable.
Notre établissement n’est pas un collège élitiste, loin de là puisque nous nous trouvons en zone d'éducation prioritaire donc face à une population plutôt socialement défavorisée. Malgré tout, nous sommes un des collèges qui réussit bien au Diplôme National du Brevet à l'écrit ! Entre le Français les Maths et l'Histoire, nos élèves ont obtenu, depuis 5 ans, 12 de moyenne à ces épreuves, la moyenne sur notre zone étant plutôt autour de 11 voire 11,5 dans les établissements ! Ce sont plutôt de bons résultats pour un public qui, au départ, n’a pas forcément toutes les chances. »
Au fait… le slogan du Collège ? Notre ambition ? Faire réussir tous les élèves ! »
Propos tirés de notre entretien avec Gilles Cornillet, Principal du Collège La Fontaine Margot à Brest.
[1] « La trace écrite » est la mise à l’écrit des notions abordées en classe. Elle peut être individuelle ou collective.
[2] La Collection, sur un espace numérique de travail, est l’espace d’échange entre l’enseignant et les étudiants. L’enseignant y dépose les différentes ressources qu’il met à disposition des étudiants : cours, exercices, etc.
[3] Ce terme désigne la disposition « traditionnelle » de la classe, l’enseignant devant et les tables et chaises alignées en rangées face à lui.
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