Classe flexible : une démarche volontaire des enseignants
Il aura fallu 10 ans à Audrey Seigneurin pour qu’elle se lance dans l'aménagement flexible et de décider de bouleverser ses habitudes d’enseignement, en initiant davantage de flexibilité dans sa classe. Cette année-là, on lui attribue un groupe de 27 élèves en CP. « Dans ces conditions, il devenait difficile de répondre à tous les besoins et de transmettre les apprentissages dans le cadre d’une dynamique classique. »
Déjà sensibilisée à l’intérêt de la collaboration entre élèves, elle décide d’aller plus loin en instaurant des ateliers de révision, une fois par semaine. « Chaque élève est amené à gérer son temps et à choisir les camarades avec lesquels il souhaite s’associer pour travailler. » Très vite, les enfants se montrent enthousiastes, jusqu’à convaincre Audrey Seigneurin de généraliser ce mode de fonctionnement. « Tout à coup, je n’étais plus la seule référente de la classe. Je devenais observatrice des échanges entre les élèves et des collaborations qu’ils mettaient en place, entre tutorat et entraide. »
Une démarche naturelle vers plus de flexibilité
Audrey Seigneurin décide alors de couper sa classe en deux. Pendant qu’un groupe travaille en autonomie, l’autre reçoit un enseignement dirigé, plus classique. L’aménagement de l’espace est également revu pour permettre la collaboration et faciliter la mobilité. Ztool, ballons de yoga, tapis et autres assises ergonomiques font leur apparition dans la classe. Et ça marche ! Venus découvrir le fonctionnement dans le cadre d’une semaine banalisée, les parents font part de leur satisfaction de voir leurs enfants épanouis et heureux. Surpris, les collègues s’interrogent, jusqu’à exprimer leurs envies d’imiter Audrey Seigneurin. « L’année dernière, j’étais la seule enseignante à travailler sur la flexibilité. Cette année, tous mes collègues de CP se sont approprié le concept. »
Même l’inspectrice académique de l’éducation nationale de la circonscription montre de l’intérêt pour la démarche de l’enseignante. « L’aménagement flexible est d’abord un état d’esprit, de conviction de l’enseignant. C’est une envie de fonctionner autrement en laissant de l’autonomie aux élèves, en leur confiant les apprentissages. Dans une classe flexible, l’enseignant perd ses repères, c’est une démarche difficile. Mais à partir du moment où le cap est passé, on peut tout faire », se réjouit ainsi Dominique Villers, pour qui la classe flexible ne doit pas se limiter à une question d’aménagement. « Ce n’est pas parce qu’on installe des ballons qu’on est dans une classe flexible. Il faut confier les apprentissages aux élèves et mettre en place un dispositif qui leur laisse la main. »
En septembre dernier, Audrey Seigneurin est passée à une classe de 12 élèves. Elle en a profité pour réimaginer l’espace afin d’optimiser déplacements et collaborations. « Nous n’avons conservé que le mobilier le plus utile pour permettre aux élèves de ranger leurs affaires et nous avons démonté les casiers sous les bureaux dans lesquels les genoux des enfants les plus grands cognent systématiquement. Nous voulions aller plus loin dans la recherche de bien-être et de confort. » Et si elle reconnait qu'une baisse sensible de l’effectif de sa classe a contribué à réduire le volume sonore ambiant, elle considère que cet aspect n’est pas un préalable indispensable à la mise en place de davantage de flexibilité : « Je faisais la même chose avec 27 élèves. C’est donc faisable. »
Un plan de travail pour développer l’autonomie
Dernière innovation, la mise en place d’un plan de travail, inspiré des ceintures de compétences du collectif C2C. « Les élèves disposent de créneaux pendant lesquels ils peuvent travailler en autonomie. Le plan de travail indique pour chaque enfant les compétences à acquérir. À lui ensuite de faire son choix entre les différents ateliers, en fonction de son rythme. » Du coup, même les évaluations sont personnalisées. « C’est l’élève qui sollicite individuellement son évaluation quand il se sent prêt. » On évite ainsi la pression du contrôle sur table que de nombreux enfants redoutent, et l’angoisse de la feuille blanche qui va avec.
Pour Dominique Villers, la démarche d’Audrey Seigneurin est exemplaire. À ce titre, elle n’hésite pas à proposer aux enseignants intéressés des rencontres et des temps d’échanges. Néanmoins, pas question de généraliser cette nouvelle façon d’envisager l’enseignement à marche forcée. Pour elle, il doit avant tout s’agir d’une démarche personnelle. « Les enseignants doivent comprendre les enjeux et se montrer prêts à un renoncement de leur statut classique. C’est difficile et consommateur d’énergie. Le travail hors temps scolaire est par exemple important. »
Vers l’établissement de demain ?
Au-delà de leur conception de la classe flexible, Audrey Seigneurin et Dominique Villers partagent également une même vision de la classe de demain, voire même de l’établissement de demain. « Il pourrait s’agir d’une école comprenant des classes décloisonnées pour favoriser les déplacements et l’autonomie », affirme la première, pendant que l’autre complète : « L’idéal serait de faire disparaitre le concept de classe. Les élèves devraient disposer d’un crédit temps d’une quinzaine d’années qu’ils pourraient utiliser à leur rythme pour accéder aux compétences du socle. » Mais la réalité les rattrape : « J’ai bien conscience que ça va loin, tempère Dominique Villers. Commençons par ouvrir les classes en travaillant avec les architectes. Ce sera déjà un grand pas. »
Retrouvez le témoignage de Mme Seigneurin ici :
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