Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

Secondaire

Etablissements scolaires : vers des parcours simples et intuitifs

7 mai 2019
Témoignages

La conception d’un bâtiment scolaire peut-elle influencer favorablement l’apprentissage d’un élève ? Pour l’architecte Antoine Assus, c’est même une évidence, à l’image des « rues intérieures » qu’il a conçues pour fluidifier l’organisation de l’espace de différents collèges, d’Antibes à Montpellier.

A quels enjeux éducatifs, l’architecture des établissements scolaires peut-elle répondre ?

L’architecture scolaire est à mon sens une partie prenante de la pédagogie et doit apporter sa contribution au développement de l’autonomie chez l’enfant. Au primaire, les élèves sont sédentaires, ils ne quittent quasiment pas leur salle de classe. Au collège, on s’adresse à des adolescents à la recherche de plus de liberté et l’architecture peut jouer un rôle dans leur émancipation. L’optimisation de la circulation entre les classes et la création de nouveaux lieux de vie sont d’autres moyens pour favoriser l’apprentissage du savoir-être en communauté. Au lycée, enfin, les élèves sont presque de jeunes adultes. Ils ont la possibilité de circuler librement entre plusieurs bâtiments. Les extérieurs prennent donc encore plus d’importance.

Comment concevez-vous la circulation des élèves dans un collège ?

Notre cœur de métier d’architecte est de fluidifier les espaces et de leur donner du sens. L’élaboration d’un collège requiert un savant dosage entre le confort acoustique, la gestion de la lumière et la proposition de parcours simples et intuitifs. Il faut prendre en compte la relation entre l’extérieur et l’intérieur du bâtiment. La cours de récréation permet d’organiser cette gestion entre l’espace privé et public, c’est un espace qui fait « tampon » entre le dedans et le dehors.

La question des couloirs est également complexe. Ils peuvent être optimisés et offrir un nouveau lieu de vie aux élèves. Mais ce n’est pas idéal, d’autant qu’ils manquent souvent de lumière. Nous nous sommes donc intéressés à une solution alternative : l’« atrium », ou « rue intérieure ». Ici l’espace central est ouvert et permet aux élèves d’accéder aux classes.

C’est notamment ce que vous avez fait au collège Sidney Bechet, à Antibes.

Tout à fait ! Sur une commune où la pression foncière était forte et donc les terrains mesurés, nous sommes partis sur un établissement à trois niveaux. Même si, dans l’idéal, il vaut mieux ne pas dépasser deux niveaux. Mais la contrainte des étages était intéressante.  Nous avons cherché à bien les intégrer, afin de maintenir un espace de vie pour la communauté.

Nous avons donc écarté les salles de classe au nord et au sud du bâtiment, autour d’une grande rue intérieure pensée à la manière d’une « galerie ». Elle est éclairée par un shed ouvert au nord. Cette grande rue intérieure organise la circulation du collège qui est baignée de lumière naturelle. Au rez-de-chaussée, cette rue dessert l’ensemble des espaces communs (CDI, vie scolaires, foyer, pôle artistique) et finit sa course au restaurant scolaire. L’espace est ouvert, généreux, on voit tout, tout le temps !

Avec un espace complétement ouvert, comment réduisez-vous les nuisances sonores ?

Avec des sols souples qui atténuent le bruit des pas, complété par du faux plafond en tasseaux de bois aux étages et une toile tendue en toiture. Plus généralement, le choix de matériaux bruts comme le béton et le bois a favorisé une isolation naturelle.

Le concept de « rue intérieure » ouvre d’autres réflexions sur l’espace… !

En effet, avec de telles propositions architecturales, de nouveaux usages peuvent naître. C’est un peu mon rêve. A Montpellier pour le projet du Village des sciences, nous avons proposé dans cet atrium un escalier avec des marches larges permettant aux étudiants de s’installer pendant les pauses. De même, un établissement d’enseignement pourrait être un lieu de vie en dehors des heures strictes de cours en classe. Il faut réfléchir par exemple à la bonne manière pour les élèves de s’approprier la médiathèque. Pourquoi pas via des espaces de coworking ?

Nous réfléchissons également à une meilleure intégration des installations sportives, souvent installées à l’écart des espaces de classe. Si le gymnase pouvait s’ouvrir sur le hall ou la cour de récréation, les élèves iraient taper le ballon entre deux cours ! Tout cela participe à la convivialité et permet de mieux rentabiliser les investissements conséquents que représentent ces établissements.

Vous avez conçu de nombreux collèges sur ces dix dernières années. Comment avez-vous optimisé la circulation de votre dernier collège de « La Cavalerie » attendu au Larzac pour 2022 ?

Pour le collège de La Cavalerie, nous avons légèrement adapté la « rue intérieure » du collège Sidney Bechet. L’idée fait sens car le collège se trouvera sur un plateau à 800m d’altitude où les hivers sont rudes. Il fallait donc créer un espace intérieur confortable, à l’échelle des 350 élèves qui vont le fréquenter. La structure a été pensée avec une double géométrie en fonction de la saison. Par exemple, nous avons apporté une gestion progressive de l’espace : au rez-de-chaussée, la rue intérieure est totalement fermée et chauffée. Elle donne sur le préau ouvert mais protégé de la pluie puis sur la cour de récréation totalement ouverte. Une fois de plus, l’établissement est conçu sans couloirs, tous les lieux de vie donnent sur la rue intérieure.

La dimension verticale est également exploitée : deux escaliers internes ont été ajoutés aux escaliers de secours. Ils sont intégrés à la rue intérieure au rez-de-chaussée et évitent ainsi aux élèves de sortir du volume pour se rendre d’une classe à une autre.

Par ailleurs, le Département s’est associé à la Communauté de Commune pour nous commander en parallèle du collège, la création d’un espace sportif pour les élèves. Comme il est plutôt rare de traiter ce type de commande en simultané, nous avons proposé d’ouvrir le gymnase sur la cour de récréation. C’est une manière de valoriser la discipline et de plus l’associer au contexte de l’apprentissage.

Quel est le dernier projet atypique que vous ayez réalisé ?

Nous n’avons pas la prétention d’innover, il faut savoir rester modeste ! Actuellement, le projet le plus conséquent porte sur le Villages des Sciences, un bâtiment universitaire à Montpellier. Il devra accueillir 3 500 étudiants. Un vrai challenge ! Face à la densité de cette population, il fallait penser à des astuces pour que l’espace reste agréable.

 Par exemple, le hall est conçu avec un mur en verre sur une double hauteur. L’ensemble du bâtiment est donc très lumineux. Nous avons prévu un escalier gradin au centre du Hall. Le nombre d’escaliers a été pensé en fonction des effectifs mais leur taille a été optimisée pour gagner de l’espace. A l’étage une loggia ouvre sur le jardin et des espaces de coworking. L’idée derrière le projet est encore une fois de provoquer de nouvelles opportunités de rencontres et de découverte. L’ouverture de ce campus est prévue pour 2022.

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