Aménager la classe pour accueillir l’enfant en situation de handicap et son accompagnant : le point de vue d’une AESH
Depuis une quinzaine d’années, Julia Poulain accompagne des élèves en situation de handicap au sein de classes ordinaires. Cette AESH véritablement enthousiasmée par son travail nous donne quelques idées et astuces pour mieux utiliser l’espace de la classe au quotidien et organiser les journées des enfants qu’elle accompagne.
Julia Poulain a débuté en tant qu’AVS (Auxiliaire de vie scolaire) en 2005, mais elle exerce depuis cinq ans en tant qu’AESH (Accompagnant d’élève en situation de handicap). Employée par l’Inspection académique, elle change d’établissement presque tous les ans. A chaque rentrée, des élèves atteints de handicaps divers ou de troubles DYS ont besoin de son soutien pour bien vivre leur scolarité et suivre le mieux possible les apprentissages dans leur classe ordinaire.
Un AESH, c’est un adulte au sein de la classe, en plus de l’enseignant, à côté de l’élève. La présence de cet accompagnant soulève plusieurs interrogations : comment repenser l’espace pour qu’il y trouve facilement sa place et y évolue dans les meilleures conditions, pour y accomplir sa mission le mieux possible ? De quels aménagements peut-il faire bénéficier son élève ? Selon Julia Poulain, de nombreuses solutions d’aménagement restent encore à imaginer. Elle a cependant beaucoup d’idées à ce sujet, qu’elle a partagées avec nous au fil de ses réponses à nos questions. Entretien avec une AESH passionnée.
En début d’année scolaire, comment faites-vous pour trouver votre place dans l’espace de la classe ?
En début d’année, je crée un espace organisationnel et relationnel avec mon nouvel élève. Mais avant de commencer l’accompagnement, je commence par contacter au plus tôt la direction de l’établissement et pour organiser une rencontre avec les enseignants. Nous faisons alors le point sur les objectifs que l’on se fixe vis-à-vis de l’élève selon son profil. Lors de ces réunions, je demande toujours si l’élève est droitier ou gaucher. C’est très important pour l’installation en classe : s’il est droitier et que je suis placée à sa droite, je ne vois pas ce qu’il écrit en même temps qu’il l’écrit, car son bras le cache. Cela peut nous faire perdre un temps précieux.
Concernant ma place dans la classe, l’important est que je puisse aider mon élève sans gêner personne, qu’il s’agisse d’un enfant placé derrière moi et qui aurait du mal à voir le tableau, ou de l’enseignant qui a besoin de se déplacer dans la salle avec fluidité.
Par conséquent, je suis en général placée sur un côté de la classe, et plutôt devant : c’est préférable pour la concentration de l’élève.
En termes d’aménagements, à quelles difficultés êtes-vous en général confrontée dans votre travail d’accompagnant ?
A des bureaux trop petits ! C’est-à-dire, trop petits pour qu’un adulte puisse s’y installer et y poser quelques affaires en plus de celles de l’élève qu’il accompagne. Le cahier, la trousse, le livre… c’est déjà parfois un peu trop sur la table pour l’enfant. Et puis il y a le cartable, toujours encombrant et pour lequel on n’a toujours pas de solution et qui ne facilite pas mes déplacements dans la classe: c’est important car souvent, je bouge pour laisser l’élève « respirer ». En tant qu’AESH, on n’a pas toujours la possibilité de le faire car certains troubles du comportement ne le permettent pas. Mais si cela est envisageable, il est primordial de lui laisser de l’espace : rendez-vous compte, il a toujours quelqu’un sur le dos… Même si c’est quelqu’un qui lui veut du bien, à la fin c’est étouffant !
L’idéal serait que les AESH aient un espace à eux, pour ces moments de retrait. Cela nous permettrait pendant ce temps de mettre quelques notes au propre, par exemple. Mais dans la réalité, l’accompagnant n’a bien souvent nulle part où se poser, les enseignants ayant déjà du mal à trouver de l’espace pour leurs propres installations. Nous n’avons pas l’occasion d’en parler avec les enseignants qui sont déjà débordés par leurs propres besoins en termes d’aménagement.
Avez-vous l’occasion de discuter précisément de ces questions d’aménagement avec le reste de l’équipe éducative ?
Assez peu, en fait. Il y a la réunion annuelle des ESS (Équipes de suivi de la scolarisation) qui interviennent sur le projet éducatif de l’enfant que j’accompagne. Lors de cette réunion, mon responsable, le directeur de l’établissement, les enseignants, les intervenants spécialistes, les parents et moi-même échangeons sur ce qui se passe à l’école concernant l’élève. Je participe aussi au conseil d’école.
Mais le fait de changer d’établissement chaque année, d’être « de passage » en quelque sorte, rend les choses plus compliquées. Les réflexions sur les espaces prennent du temps… Il m’est arrivé de rester deux ans dans une même école : la seconde année, j’ai pu démarrer l’accompagnement des apprentissages beaucoup plus tôt, très vite après la rentrée. J’ai alors réalisé à quel point cela prend du temps d’installer l’enfant et soi-même dans un nouvel espace, avant de mettre en place les apprentissages eux-mêmes. Parfois cela prend plusieurs semaines. Sur une année scolaire, c’est beaucoup.
Selon vous, comment l’aménagement d’une classe peut-il faciliter l’intégration de l’enfant handicapé dans son groupe d’élèves ?
Cela dépend bien entendu du handicap. Mais ce qui est sûr, c’est que tout ce qui contribue à améliorer le bien-être de l’enfant en classe permet de faciliter son intégration. Il s’agit de veiller à faciliter sa présence physique au milieu des autres élèves, mais aussi son état psychologique, ainsi que l’organisation de son travail. C’est vrai pour tout enfant bien sûr. Mais particulièrement pour un enfant atteint de troubles DYS, par exemple, ou pour un enfant autiste. A apprentissage égal, ils doivent fournir un effort bien supérieur à celui d’un élève sans handicap.
Pour améliorer le « bien-être » dans la classe j’utilise différents outils :
- J’ai un casque anti-bruit qui permet à l’élève de mieux se concentrer : il m’entend car je suis tout près de lui, mais il est protégé des « interférences » extérieures.
- Sur la surface du bureau, je place des dessins de contours de trousse, de cahier, de livre, pour que l’enfant visualise tout de suite les endroits où placer son matériel.
- Nous gardons toujours dans la trousse une règle avec les tables de multiplication si l’enfant ne peut pas les retenir toutes.
- Nous avons aussi une règle opaque pour suivre plus facilement les lignes pendant la lecture.
- J’utilise régulièrement un boulier pour les mathématiques : cet outil si classique est toujours aussi utile !
- Nous manipulons des chiffres en plastique pour construire les nombres avec des parties de couleurs différentes, représentant les centaines, les dizaines et les unités. C’est important pour les élèves atteints de dyscalculies par exemple.
- Nous utilisons aussi des « alphas », pour l’écriture : ce sont des figurines qui représentent chacune une lettre.
- Je recommande d’installer un espace de détente ou de retour au calme pour les élèves atteints de handicap, car ils fournissent beaucoup d'effort pour tous les apprentissages du quotidien. Prévoir d’équiper cet espace avec coussins, tapis, jeux calmes, livres, lampe retour au calme...
- A noter qu’il existe un agenda spécial DYS, avec des couleurs pour aider les enfants à noter leur devoir de manière organisée. Pour ma part, j’aide à la prise en note des devoirs à faire. Et surtout, j’écris toujours, au début des devoirs, un mot personnellement destiné à l’enfant, qui le trouvera en ouvrant son agenda. C’est un petit mot encourageant et positif, qui le met de bonne humeur. Il aura plaisir à ouvrir son agenda pour prendre connaissance des devoirs, ce qui est primordial : il ne faut jamais oublier que le plaisir joue un grand rôle dans l’efficacité des apprentissages. Plus l’élève a plaisir à apprendre, mieux il assimile les nouvelles notions.
Pour en savoir plus, retrouvez son instagram @poulain.julia et son groupe "Parlons psychopédagogie"
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