Aménagement des espaces éducatifs
Classe de demain

Éducation

Faire classe dehors : en pleine nature ou dans la cour de récré

24 mai 2021

La journée mondiale de l’enseignement extérieur a lieu deux fois par an, à l’automne et au printemps (le 20 mai, pour celle du printemps 2021). Née en Grande Bretagne en 2011, cette journée était à l’origine destinée à favoriser les activités en plein air et éviter la sédentarité chez les enfants. Aujourd’hui, l’enseignement en extérieur prend une autre dimension. Ses bénéfices sont de plus en plus reconnus : il favorise le bien-être des élèves et des enseignants, mais aussi le développement de nombreuses compétences chez les enfants. En cas d’épidémie, il permet de diminuer les risques de contamination à l’école. Voici quelques pistes pour aménager sa classe dehors, en pleine nature ou tout simplement dans la cour de récréation de l’établissement scolaire. 

L’enseignement à l’extérieur est déjà pratiqué dans certaines écoles de France. Mais en Europe du Nord, il fait partie intégrante de la formation des enseignants depuis de nombreuses années. C’est ce qu’explique Crystèle Ferjou : cette conseillère pédagogique départementale a co-écrit avec Moïna Fauchier Delavigne l’ouvrage Emmenez les enfants dehors ! (éditions Robert Laffont). Dans une interview sur TV5Monde, elle souligne que la France est en retard par rapport à certains pays du nord de l’Europe, où les enfants passent plusieurs heures par jour en « classe dehors ». Dans les pays latins, « nous nous sommes concentrés sur l’aménagement des espaces d’apprentissage à l’intérieur des écoles, alors même que nos climats sont plus favorables que ceux des pays scandinaves par exemple », dit-elle.  

Enseigner dehors favorise les compétences clefs du 21e siècle 

Sarah Wauquiez, formatrice d’enseignants et psychologue, confirme que l’enseignement dehors existe depuis des dizaines d’années dans les pays scandinaves. Co-auteure de L’École à ciel ouvert (éditions Salamandre), elle précise, dans le cadre d’un reportage intitulé Éduquer et enseigner dehors, que cet engouement « est d’abord venu des enseignants. Puis il a entraîné des mouvements nationaux. L’intérêt pour la classe dehors s’est étendu à l‘international, notamment à la Grande Bretagne, au Canada, aux USA également ». 

Mais en quoi enseigner dehors est-il si bénéfique pour les enfants ? Sur le terrain, les enseignants constatent que faire classe en forêt et dans la nature renforce le développement de l’estime de soi et la confiance en soi chez les enfants. Marie Marquiset-Camboly, professeure des écoles à la maternelle de Condorcet-Besançon, raconte dans le reportage que « pendant leurs activités en extérieur, les enfants disent souvent ‘C’est dur mais j’y arrive’, ou encore ‘C’était difficile mais je l’ai fait tout seul’. » 

Faire classe dehors et développer de nouvelles compétences 

Faire classe dans la nature, c’est en effet aussi se confronter à de menus défis : un sol glissant, des troncs d’arbres à franchir, des branchages à transporter, une peur des insectes à dominer... Autant de petites victoires dont les enfants sont très fiers ! Sarah Wauquiez souligne à ce sujet que les paroles des enfants sont très intéressantes à écouter :  

« Les enfants disent : ‘J’arrive à grimper à l’arbre, ça me donne des forces !’, ‘Être en forêt, ça me fait encore plus aimer les copains’, ou encore :  ‘J’arrive mieux à faire mes devoirs, je comprends mieux les leçons’,  et même : ‘La classe en forêt, ça me donne envie d’aller à l’école’... »  

Pour les enseignants aussi, faire classe dehors est une grande source de satisfaction. C’est l’occasion de découvrir les enfants dans leur globalité, au-delà des capacités intellectuelles habituellement mobilisées dans la salle de classe. Par exemple, une petite fille qu’on n’entend jamais à l’école, devient un vrai leader en forêt. « Un élève très timide en classe a récité sa poésie dans la forêt d’une voix si affirmée que tout le monde a applaudi à la fin », raconte Élise Sergent, professeure des écoles en CM1 et CM2 à Mancenans. 

Finalement, en faisant classe dehors, et notamment en forêt, on favorise certaines compétences moins travaillées en classe, comme la créativité, l’inventivité. On cultive le savoir-être, l’autonomie, le rapport aux autres et à la collectivité, à la nature, le ‘faire ensemble’ aussi. 

De l’autre côté de l’Atlantique, au Québec, le programme gouvernemental Kino Quebec (dédié à la promotion de  l’activité physique auprès de la population québécoise dès le plus jeune âge) souligne lui aussi les bénéfices de la classe dehors. Selon ce programme, « la nature, par sa complexité, sa beauté et sa diversité, est un environnement stimulant avec un potentiel pédagogique illimité. Dans plusieurs matières scolaires, elle peut devenir une extension de la classe et une ressource précieuse pour l’enseignement et l’apprentissage à l’extérieur. L’approche qui consiste à enseigner dehors utilise le lieu comme élément clé du processus d’apprentissage pour mettre en contexte les savoirs et ainsi leur donner vie :les jeunes peuvent observer, explorer, tester et clarifier les phénomènes qu’ils étudient ». 

Quelques conseils pour faire classe en pleine nature 

Pour profiter pleinement de l’enseignement dehors, les habitués soulignent l’importance de bien s’organiser à l’avance :  

  • Se demander dès le début si l’on veut se faire accompagner par une éducatrice spécialisée dans l’enseignement en extérieur (animatrice nature) 

  • Ne pas hésiter à demander aux parents de participer et d’accompagner les sorties chacun à leur tour ; 

  • Mettre en place un « protocole de sécurité » : réfléchir avec la direction de l’école à des protocoles répondant à différentes situations : allergies, blessures, problèmes de santé, organisation d’éventuels transports. Prévoir des exercices de sécurité avec les élèves pour anticiper les différentes situations. 

  • Bien expliquer aux parents comment se déroule la classe à l’extérieur pour désamorcer leurs possibles inquiétudes 

  • Faire preuve de flexibilité : une classe en extérieur, c’est souvent une source de surprises ! Enfants et enseignants peuvent se trouver face à des situations inattendues pendant ce type d’expérience. Parfois, le programme envisagé doit en dernière minute être remplacé par autre chose... Alors, l’important est de garder l’esprit ouvert, d’être prêt à utiliser ce à quoi les éléments vont nous exposer, de ne pas se décourager face à la première difficulté... Et commencer par prévoir un plan B en cas d’évolution imprévue de la météo.  

  • Définir quelles matières enseigner dehors (sport, sciences naturelles, mais aussi, pourquoi pas, mathématiques, français...) 

  • Et surtout : chercher un lieu à proximité de l’école. L’espace extérieur doit se trouver à moins d’une demi-heure à pied de l’établissement, sinon il sera difficile de tenir le rythme des sorties. L’enseignement en forêt ou dans la nature n’est ainsi pas accessible à tout le monde : beaucoup d’établissements scolaires sont loin de tout espace boisé.  Mais pas de panique : on peut très bien faire classe dehors dans la cour de récréation. 
     

Quelques conseils pour aménager une classe dans la cour de récréation 

Faire classe dehors peut aussi fonctionner dans la cour de récréation, même si les bénéfices ne sont pas les mêmes qu’en forêt. Et il faut tout de même pouvoir accéder à la terre, à de l’herbe, des plantes, ne serait-ce que sur une petite surface. « L’enseignant peut aménager des espaces au sein même de la cour de l’école pour l‘ensauvager » rappelle Crystèle Ferjou, faisant écho au mouvement actuel de végétalisation des cours de récréation

Quelques conseils pour aménager une classe dans la cour :  

  • Bien délimiter le lieu d’activité au sein de la cour. On peut utiliser un marquage au sol ou des éléments du mobilier extérieur : bacs de plantation, par exemple ; 

  • Choisir dans la cour un endroit ombragé et à l’abri du vent. On peut s’installer sous les arbres (mais gare aux orages !) ou installer un préau mobile, ou encore tendre des toiles pour protéger les enfants du soleil et du vent ; 

  • Installer des tables-bancs pour travailler en petits groupes 

  • Installer aussi des assises flexibles faciles à déplacer (poufs, tabourets...)  

  • Prévoir différentes zones dans cet espace d’enseignement extérieur:  

  • une zone où l’ensemble des élèves de la classe peuvent se réunir (installer des bancs ou des gradins) 

  • des micro-zones d’activités (comme dans la classe flexible), pour permettre aux enfants de travailler en petits groupes, assis ou debout (avec des mange-debout, par exemple) ; 

  • prévoir des surfaces cultivables : arbres, arbustes, fleurs, jardins potagers, que ce soit sur une surface en pleine terre quand c’est possible, ou grâce à des bacs et tables de jardinages ; 

  • aménager un espace (de type abri de jardin) pour ranger le matériel de bricolage, de jardinage, ou tout simplement les fournitures scolaires utilisées, ainsi que les assises mobiles (tabourets...) ; 

  • Installer des tableaux sur roulettes (de type « paper board ») ou des murs d’écriture fixes qui resteront en permanence dans la zone d’enseignement extérieure. Ce peut-être un grand tableau noir classique, ou un tableau blanc ; 

  • Sélectionner du mobilier d’extérieur robuste, conçu avec des matériaux durables et responsables, faciles à entretenir.  

  

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