Vidéos d’enseignants sur YouTube : un bon complément au cours, explique @MadameSVT
Matériel, installation, mise en ligne, impact sur les élèves et relation avec le professeur... Se décider à « faire des vidéos » quand on est enseignant, cela pose plusieurs questions et peut faire peur. Il est vrai que c’est un investissement en termes d’énergie et de temps. Et cela pose la question des commentaires malveillants que les contenus peuvent susciter. Et si c’était moins compliqué qu’on ne le pense ? @MadameSVT, professeure de Sciences de la Vie et de la Terre en collège et lycée à Brest, nous raconte pourquoi et comment elle a créé sa chaine d’enseignante sur YouTube et revient sur le rôle que ses vidéos peuvent jouer auprès d’élèves en difficultés.
@MadameSVT, c’est le nom de la chaine YouTube de Camille, professeure de Sciences de la Vie et de la Terre au collège et au lycée dans un établissement de Brest. Depuis 2019, elle y publie des vidéos de 5 à 10 minutes en moyenne, dédiées aux révisions de sujets scientifiques au programme des différentes classes, de la Sixième à la Terminale. Sa chaine réunit déjà près de 19 000 abonnés, et ses vidéos enregistrent plusieurs milliers de vues. Elle souligne que ces contenus sont un bon complément aux cours dispensés en classe, mais qu’ils ne les remplaceront évidemment jamais... heureusement.
Comment avez-vous eu l’idée de créer une chaine YouTube en tant que professeure ?
Au cours de l’année scolaire 2018-2019, j’étais encore stagiaire (j’ai eu mon concours en juillet 2018). J’ai constaté à quel point les lycéens (et aujourd’hui les collégiens) utilisaient Instagram. J’ai alors pensé utiliser ce réseau pour partager des astuces et des « fun facts » scientifiques. Les élèves pouvaient aussi passer par ce canal pour me poser des questions sur les cours, lors de leurs révisions. Je leur ai demandé en fin d’année ce qu’ils avaient pensé de cette façon de faire : j’ai eu des retours très positifs.
Parallèlement, j’étais frappée du nombre d’élèves dyslexiques et en difficulté dans mes classes. Je devais souvent m’y reprendre à plusieurs fois pour qu’ils saisissent bien mes explications. J’étais inquiète de voir ces élèves avoir autant de mal à assimiler les leçons via les documents papier. Je me demandais toujours comment ils faisaient pour réviser. En classe, certains ont leur AESH pour les accompagner dans leur travail, mais à la maison, ils sont tout seuls, les parents ne peuvent pas forcément les aider.
C’est là que j’ai eu l’idée de créer ma chaine YouTube d’enseignante. Je leur ai demandé ce qu’ils penseraient d’une chaine qui diffuserait de courtes vidéos (5 à 10 minutes environ) pour revoir les notions du cours. Puis je me suis lancée, sans trop réfléchir davantage. J’ai créé la chaine en juillet 2019.
Quel matériel avez-vous utilisé au départ ?
J’ai tout simplement installé une pile de livres, sur laquelle j’ai posé mon smartphone ! Je n’avais aucun matériel à part mon téléphone et un logiciel de montage (Shotcut, gratuit mais pas toujours facile à prendre en main). Au départ, je ne pensais pas investir. Je n’avais ni éclairage spécifique ni micro. Cela se voit et s’entend quand on regarde mes premiers contenus sur la chaine ! (Rire)
Au fil de l’année scolaire, j’ai quand même commencé à m’équiper. À Noël, j’ai acheté une Soft Box pour une meilleure qualité de lumière sur les vidéos. Puis des collègues m’ont offert un trépied et un micro.
Mais le plus chronophage quand on réalise des vidéos, c’est souvent le montage : combien de temps prend la création d’une vidéo ?
Au début, je mettais beaucoup de temps pour réaliser une vidéo. Certaines étapes de fabrication sont plus courtes aujourd’hui. Le temps de tournage n’a pas changé : je mets entre 15 et 30 minutes pour filmer. Pour le montage, à mes débuts, je mettais jusqu’à trois heures et demie pour chaque vidéo... Il m’a fallu six bons mois pour arriver aujourd’hui à 45 minutes ou une heure de travail. Cela dépend des classes : c’est moins long pour les Cinquièmes que pour les Terminales par exemple.
Sur cette phase de montage, on va bien sûr de plus en plus vite au fur et à mesure que l’on acquiert de l’expérience. On gagne également beaucoup de temps en s’équipant d’un ordinateur suffisamment puissant pour que l’on puisse manipuler des fichiers volumineux sans perdre en rapidité d’exécution.
Est-ce qu’avoir créé votre chaine YouTube a modifié votre pratique éducative en classe ?
Non, je ne peux pas vraiment citer de changement dans ma façon de faire cours en classe. Mais en tant que jeune professeure, (j’ai été titularisée en septembre 2019), je dirais que cette chaine m’a peut-être aidée à prendre confiance en moi.
En tout cas, avoir une chaine YouTube en tant qu’enseignante a certainement changé la relation avec mes élèves. D’une part, je ne suis pas tout à fait la même sur internet qu’en classe. Je craignais d’ailleurs un peu les réactions sur les réseaux mais en fait, ça s’est très bien passé. Il a parfois fallu recadrer un peu (par exemple, certains élèves m’envoyaient des messages à 23h pour me demander quels étaient les devoirs à faire pour le lendemain !) Mais rapidement, une vraie relation de confiance s’est installée. Cette chaine est là pour les soutenir, et ça, ils l’ont très bien compris. Ils me disent en tout cas que ça les aide beaucoup... Ils savent aussi que se contenter de regarder ma vidéo juste avant l’évaluation, ça ne sert à rien, il faut surtout suivre en classe !
Quoi qu’il en soit, les vidéos ne remplaceront jamais un cours. Mais elle sont un bonus, en quelque sorte.
Que pensent vos collègues et confrères du fait que vous ayez votre chaine YouTube ?
Certains de mes collègues sont très réticents vis-à-vis du principe même de créer des vidéos. Ils craignent finalement que les élèves s’en contentent, et qu’ils ne suivent plus le cours en classe. Mais pour ce qui me concerne, ce n’est pas du tout ce qu’il se passe. Ces vidéos sont vraiment un bon complément du cours.
Qu’est-ce que les vidéos apportent spécifiquement aux élèves ?
Je dirais qu’écouter et voir les leçons via ce genre de support fait travailler d’autres types de mémoire. Devant la caméra, je n’aborde pas les notions exactement de la même façon qu’en classe devant les élèves. Ça n’est pas forcément plus simple pour moi : c’est vrai qu’une caméra ne pose pas de questions et que je ne suis pas interrompue, mais... c’est à moi de me rendre compte si je n’ai pas été claire ! Auquel cas, je refais autant de prises que nécessaire.
Quelle dimension votre chaine YouTube a-t-elle prise lors des phases de confinement ?
En Bretagne, nous avons globalement été moins touchés que certaines régions, mais le premier confinement, au printemps 2020, a bien sûr été aussi difficile que partout ailleurs. J’ai fait mes cours en visioconférence au lycée de mars à mi-mai, tout en continuant mes vidéos sur YouTube. Les visios avaient lieu sur Teams. J’avais mon trépied, et je faisais cours avec mon tableau blanc, que je filmais à côté de moi.
Dans la plupart des cas, pendant les dix premières minutes de la visio, c’était un enchaînement de « Madame, on ne voit rien », « Je n’entends pas », « Untel n’a pas réussi à se connecter, il n’a pas de wifi »... Pour certains cours, c’était tellement laborieux que je finissais par interrompre la visio et faire une vidéo, tout simplement.
Pendant toute cette phase de confinement, beaucoup d’élèves ne se sont jamais connectés en visio. Mais ils ont toujours regardé les vidéos. Je dirais qu’elles ont permis à certains de ne pas décrocher complètement.
Et vous, pensez-vous que les élèves du secondaire aimeraient avoir des suppléments de cours en vidéo ?
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