Scolarisation pour tous : quelle place pour le handicap à l’école ?
"Alors que le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est à la hausse – il est notamment passé de 100 000 en 2006 à 320 000 en 2017 suite à plusieurs réformes – des freins persistent. Une question de culture, de budget, de formation… ? La réponse est en réalité plurielle. Focus sur les enjeux de la scolarisation des élèves handicapés."
« En France, avec les textes et les lois, on a ce qu’il faut pour que l’école inclusive fonctionne, pour que la société inclusive fonctionne », souligne Sabine Zorn, maîtresse de conférences à l’INSHEA (Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés). La loi de 2005 qui pose le principe de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, le dispositif CLIS renommé Ulis depuis 2010, ou encore, la loi pour une école de la confiance en 2019… La législation évolue régulièrement et favorise une meilleure prise en compte des besoins des familles et des élèves en situation de handicap. Pour autant, notre experte dresse un constat du terrain qui rejoint le bilan mitigé du gouvernement : la connaissance du principe inclusif est encore insuffisante sur le plan scolaire.
Inclusion VS. intégration
La scolarisation pour tous semble aujourd’hui poser notamment une question de vocabulaire. Pour Sabine Zorn, un point essentiel repose sur la perception de la situation, distinguant l’intégration de l’inclusion : « S’intégrer signifie que c’est à la personne de s’adapter au milieu dans lequel elle vit, que c’est à elle de faire les efforts. Il faut donc penser l’école dans une logique inclusive, où c’est le milieu qui s’adapte à la personne, et non l’inverse. » Pour ne citer qu’un exemple qui parlera à tous : le fauteuil roulant et l’accès aux locaux. Les établissements scolaires, comme tout établissement, doivent répondre aux normes et construire une rampe pour favoriser l’accès aux fauteuils roulants. Dans ces conditions, c’est le milieu qui propose une adaptation. Dans une logique inclusive, le temps de travail à l’école, l’aménagement et la façon d’enseigner prennent d’office en compte les besoins spécifiques liés aux handicaps.
Considérer le groupe au sens large
Par essence et en tant qu’individu, chaque enfant a des besoins qui lui sont propres. Qui plus est, dans le cadre du handicap, les élèves peuvent avoir des besoins très hétérogènes selon le type de handicap qui les touche. Trouble du spectre de l’autisme (TSA), dyslexie, trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), malvoyance, surdité… Si une attention particulière doit leur être portée, que leur handicap soit psychique, cognitif ou moteur, la réponse de l’environnement où ils vont se trouver doit pouvoir être adaptée à tous. Telle est la vision de la maîtresse de conférences de l’INSHEA, qui a travaillé plusieurs années auprès d’adolescents avec des troubles du spectre de l’autisme. « Le cas par cas va être une manière de s’adapter aux besoins éducatifs de chacun, mais il ne faut pas en rester là et voir les adaptations que par le prisme de l’individualité : ce qui peut être utile pour les jeunes en situation de handicap peut en réalité être utile pour tous. » Pour elle, l’école, l’enseignant, doivent davantage proposer une aide globale à l’organisation afin que chaque élève trouve individuellement sa méthodologie, ce qui lui convient le mieux pour apprendre. « Plus l’élève a conscience de la manière dont on apprend, meilleur sera l’apprentissage. Il faut par exemple avoir en tête que, pour des élèves avec des TSA notamment, des éléments implicites doivent être explicités, formalisés, car ces élèves n’ont pas toujours les « codes ». Ce qui semble parfois évident est souvent plus difficile à acquérir pour eux ».
Expliciter et aménager
Expliciter, ça commence au sein de la classe. « Les élèves avec des difficultés plus marquées nous amènent à penser certains outils », explique Sabine Zorn qui recommande une structuration de l’espace mais aussi une structuration du temps voire des tâches à accomplir. L’enjeu ? S’adapter aux capacités des enfants et à leur rythme. « Les éléments visuels fonctionnent très bien, il est donc utile de prévoir des affichages, de bien délimiter différents espaces dans la classe pour les rendre identifiables, illustre-t-elle. Mais il faut aussi ouvrir un panel de possibilités sur l’auditif, le toucher… pour s’adapter à la pluralité des enfants ». A noter que cela peut aussi se décliner dans la cour de récréation, en misant sur la diversité des espaces pour que chacun y trouve son compte.
Dans ces conditions, si le cas par cas n’est pas la règle, des outils techniques spécifiques, à l’image de dispositifs numériques, de synthèses vocales, d’ascenseurs… doivent tout de même être considérés pour des problématiques majeures. « Ces aides vont soulager les élèves en situation de handicap, mais celles-ci doivent être guidées, organisées, et un suivi doit être effectué. » Un accompagnement qui doit donc être pensé avec des personnes formées, après une phase d’évaluation des besoins des élèves. Pour Sabine Zorn, c’est une question de travail d’équipe, au sein de l’établissement scolaire avec sa direction et l’équipe enseignante mais aussi entre l’Éducation nationale et les autres secteurs professionnels impliqués dans le champ du handicap, notamment le secteur médico-social. « Finalement, le principe inclusif implique une pluridisciplinarité ! » conclut-elle.
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