Témoignage de la classe de Séverine - Enseignante au CE1
Des élèves avec des niveaux très hétérogènes au sein d’une même classe, des enseignants qui préféreraient consacrer moins de temps et d’énergie à la discipline tout en individualisant les parcours … Et s’il était possible d’enseigner autrement ? Séverine Walker, enseignante en CE1-CE2, nous livre ici son vécu avec les 25 élèves de sa classe.
Quel a été l'élément déclencheur de ces changements dans votre classe ?
Notre école est située dans un quartier plutôt difficile, auparavant classé en REP. De nombreux parents ne sont pas francophones et ont un rapport compliqué avec l'école et ses codes. Beaucoup de familles n’ont pas cette culture de l’école et ont bien souvent d’autres préoccupations pour pouvoir s’impliquer efficacement dans le suivi scolaire de leurs enfants.
La volonté de ne plus fonctionner de manière « classique » et de s’adapter davantage aux besoins des élèves actuels !
Comme partout, les élèves ont parfois du mal à se concentrer du fait d’un zapping permanent et d’une omniprésence des écrans (tablettes, télévision, ordinateurs).
A leur demander de rester assis à écouter et leur imposer un rythme de travail identique à tous, nous perdions l’attention de beaucoup d'élèves au fil de la journée … Au bout d'un moment il y a eu un certain ras-le-bol : nous passions notre temps à « faire la police » et à « nous battre » pour que tous atteignent un « niveau imposé par les programmes ».
En effet, il existe de grandes disparités de niveaux : entre ceux qui analysent de manière poussée toutes les notions travaillés en classe et ceux qui ont déjà beaucoup de difficultés avec les compétences de base qui doivent être acquises en fin de cycle.
Avec plusieurs collègues dont Maitresse Aurel , nous nous sommes donc remises en question et avons décidé de changer notre pratique de classe. Tout a débuté l’année dernière.
Comment avez-vous procédé ?
Nous avons commencé à nous renseigner par l’intermédiaire de différents blogs, principalement écrits par des enseignants nord-américains (États-Unis et Canada). Nous avons alors découvert des articles portant sur le « Flexible Seating » .
C’est également grâce à une autre maîtresse et bloggeuse "Maisquefaitlamaitresse" que j’ai trouvé l’idée de travailler en « demi-classe » : pendant que je suis avec un groupe en centre guidé le second groupe est lui en autonomie (différents centres leur sont proposés au travers d’un plan de travail).
Quel est le principe de ce nouveau fonctionnement ?
L’année dernière, en niveau simple, je travaillais avec deux groupes hétérogènes, notamment afin de faciliter le tutorat lors des temps d’autonomie.
A la rentrée 2018, j’ai commencé à fonctionner avec des demi-groupes classiques dans un cours doubles : les CE1 d’un côté et les CE2 de l’autre. Cependant, au fur et à mesure que j’apprenais à connaître mes élèves, et leurs niveaux si disparates, j’ai décidé de mélanger ces deux niveaux afin de créer des groupes de besoins en fonction des niveaux de compétences de chacun.
Cela a permis de personnaliser encore plus les parcours. Par exemple, un élève de CE2 en difficulté en Mathématiques (valeur des chiffres dans un nombre) peut revoir les bases en rejoignant le groupe de CE1 et, au contraire, un élève ayant des facilités au CE1 en Lecture (niveau d’analyse et de compréhension d’un texte) peut aller travailler avec le groupe de CE2. Pour que tout le monde s’y retrouve, j'ai réalisé un affichage en classe reprenant l’ensemble des groupes de travail, ce qui permet aussi aux élèves d‘être au clair avec leur niveau de maitrise des compétences : « Je suis au CE1 mais je suis capable de lire des textes que la maîtresse donne aux CE2, je vais donc travailler avec le groupe 2 ».
Chaque jour, les 20 dernières minutes de la matinée sont consacrées à ce que j'appelle le « SOS Maîtresse ». Il s’agit d’un temps pendant lequel je ne réalise aucun nouvel apprentissage. Je suis donc à leur disposition pour résoudre des difficultés passagères, revoir une notion ou un exercice non compris …
Et des changements dans la classe ?
L’idée générale a été de gagner de la place, en retirant le mobilier trop imposant (parmi lequel mon bureau de maîtresse) afin d’obtenir un espace de travail plus aéré dans lequel les élèves pourraient circuler de manière fluide.
Le fonctionnement en demi-classe fait qu'il y a beaucoup moins de travail frontal. Les enfants s'approprient la classe, ce qui rappelle quelquefois la logique Montessori : ils ont un plan de travail pour une semaine et les activités sont réparties dans les différents centres d’autonomie. Ils sont alors libres de choisir l’ordre de réalisation des activités et peuvent même les effectuer à plusieurs reprises afin de s’améliorer.
Nous souhaitons vraiment qu’ils s’approprient leur classe, qu’ils en soient les acteurs, qu’ils y développent ce qui leur est utile.
La salle de classe est partagée en deux zones, elles ne sont pas séparées physiquement, mais on les distingue parfaitement bien visuellement.
- La partie avant de la classe dans laquelle je suis présente pour les apprentissages guidés présente une configuration en U de 5 à 6 tables classiques. Au centre de ce « U » se trouve un tapis sur lequel l’autre moitié de la classe peut s’installer lors des temps de regroupement en classe entière (en début de matinée pour les routines et les après-midi pour les Arts visuels ou l’Anglais par exemple).
- A l’arrière de la classe on trouve l’espace affecté au travail en autonomie : quatre tables forment des îlots avec des chaises classiques ou des ballons de gymnastique mais les élèves peuvent également être par terre sur des coussins, des poufs ou un tapis molletonné … Les enfants s’installent donc en fonction de leurs besoins.
Dans cette partie de la classe, chacun sait qu’il y a un règlement : « chuchoter-ranger- partager ». C’est aussi l'endroit où j'organise les 20 minutes « SOS Maîtresse » : cela se passe dans un endroit spécifique de la classe, tout au fond, c’est un petit îlot de 4 places avec un tableau pour faciliter les manipulations.
Les réactions
Dans les premiers temps, certains parents ont été inquiets car cela ne correspondait pas du tout au schéma qu’ils ont eu l’habitude de connaître étant élève. Et ce d’autant plus qu’il n'y a pas forcément de modèle français à ce que nous avons instauré. Mais en fin d'année scolaire, les retours ont été positifs et certains parents m’ont bien aidé en me faisant de la publicité pour l’année suivante !
Quand on voit les élèves changer peu à peu et prendre plaisir à l'école on se dit qu'on a gagné.
Au niveau de l’académie, l'inspectrice est venue visiter nos classes et a accueilli favorablement cette initiative. Notre hiérarchie nous soutient entièrement, moyennant le respect des programmes.
Notre prochain défi : Etendre ce système vers le cycle 3 qui recouvre à la fois l’école élémentaire et le collège (CM1, CM2 6ème) et intégrer une problématique spécifique : le « saut » important entre le CM2 et la 6ème.
Si vous voulez en savoir plus sur l'organisation mise en place par Séverine Walker, c'est ici !
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