Enfants « dys », les comprendre pour mieux les accompagner
« Dys » comme dyslexie, dysorthographie, dyscalculie et dysgraphie. Ces « dys » représentent un enfant sur dix aujourd’hui en France et un défi quotidien pour les enseignants. À l’occasion de la journée nationale des Dys le 9 octobre dernier, Béatrice Sauvageot, orthophoniste et co-fondatrice de l’association Puissance Dys, nous éclaire sur le sujet.
Changer de regard sur les « dys »
Sous-estimés et parfois même isolés, pour les enfants « dys » l’école est bien souvent un lieu de brimades et de souffrance. « La moquerie, les mauvaises notes, les appréciations négatives, c’est un enfer. Très tôt, les Dys disent à leurs parents qu’ils ne veulent pas de cette vie », témoigne Béatrice Sauvageot. Ces enfants « dys » ne sont pourtant pas moins volontaires ni intelligents… bien au contraire.
À l’origine du problème, ce fameux « dys » comme « disfonctionnement ». Plutôt que de parler de « dyslexie », Béatrice Sauvageot préfère utiliser le terme « ambilexie » et pour cause : ils présentent deux systèmes linguistiques, à la façon d’un enfant bilingue. Une fois dans le monde professionnel les « dys » révèlent leur potentiel et nombre d’entre eux connaissent par la suite une très belle réussite professionnelle. « Le monde est dirigé par des dyslexiques et on est encore en train de leur dire à l’école qu’ils font des fautes ! », souligne l’orthophoniste. Mieux comprendre les « dys », cela commence par intégrer qu’ils ne dysfonctionnent pas, mais qu’ils ont simplement une perception et un fonctionnement différents de la majorité.
Accueillir les « dys », un parcours du combattant pour les enseignants
Une trop longue attente pour obtenir un bilan, une place chez un orthophoniste, des plans d’adaptation, de la paperasse... Difficile pour les enseignants de suivre des procédures complexes tout en assurant la classe pour la majorité des élèves. D’autant que distinguer les enfants « dys » des enfants rencontrant des difficultés d’apprentissage classiques n’est pas chose aisée.
C’est pour cette raison que Béatrice Sauvageot a travaillé au développement d’un dispositif en ligne à l’attention des enseignants et des parents. Dans un premier temps, un test de repérage en ligne, anonyme et gratuit, et mis à disposition par l’association Puissance Dys, établit un autodiagnostic de l’enfant. En fonction de son résultat, celui-ci peut entamer sa rééducation en autonomie par le jeu grâce à une application ludique. Cette solution digitale permet ainsi de pallier le délai d’attente des enfants avant d’être pris en charge et de soulager les enseignants qui retrouvent du temps pour enseigner.
Trois conseils pour favoriser l’inclusion des « dys » en classe
« Les enseignants font preuve de beaucoup de courage au quotidien ! », souligne Béatrice Sauvageot. Si la prise en charge des dys ne dépend pas principalement de l’enseignant, son rôle reste central pour les aider à s’intégrer au sein de la classe et éviter les blocages émotionnels. Elle retient ainsi trois leviers sur lesquels l’enseignant peut s’appuyer :
1. Inviter la musicalité en classe
« On sait très bien que physiologiquement, neurologiquement, on apprend une langue d’abord avec la musique puis avec le rythme et ensuite cela se met en place tout seul », explique-t-elle. C’est une clé pour les enseignants car il se trouve que les dys ont besoin de bruit pour travailler. Pas du brouhaha de la classe ni du son des chaises crissant sur le sol, il convient ici de bien gérer le bruit en classe car la musicalité est essentielle pour se concentrer. « S’il y a du silence, ils sont submergés par leur propre vacarme : un dys a 30 % du cerveau (contre 10 % pour un autre enfant) qui analyse en permanence les couleurs, les émotions, les formes… », insiste Béatrice Sauvageot.
2. Privilégier le mouvement et l’affect
Placer le mouvement au cœur de la classe en favorisant la circulation des élèves dans l’espace, notamment grâce à l’aménagement. Le jeu est également essentiel pour optimiser la mémorisation par l’affect et les émotions. Si cela vaut pour tous les enfants, il est à noter que les dys quant à eux ont souvent besoin de toucher un objet pendant la classe, cela les aide à se canaliser.
3. Jouer avec la phonie/graphie
Proposer des jeux sous la forme de puzzle ou de mémos axés sur les phonèmes et les graphèmes dès la moyenne section de maternelle permet aux enfants de s’approprier en douceur les quelques 610 graphèmes correspondant aux 34 phonèmes de la langue française. Bilan des courses : c’est bon pour tout le monde, pas seulement pour les dys !
Le dépistage de la dyslexie et de l’ensemble des « dys » est à ce jour en France toujours bien en deçà de la réalité : nombre d’enfants ne sont pas dépistés et une fois adulte les chances de repérer la dyslexie sont quasi-nulles. Selon l’OMS, les dys représenteraient 8 à 12 % de la population mondiale.
Informer, sensibiliser, faire valser les idées reçues et aider à mieux comprendre les dys, voilà les enjeux de la journée nationale des Dys et le cheval de bataille de Béatrice Sauvageot.
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