Interview Mr Bourdel : « Nous ne sommes plus face à nos élèves, mais à côté d'eux »
Romain Bourdel, enseignant en physique-chimie à Aix-en-Provence animera le 22 novembre l'atelier “On refait la salle de classe (pour 0 € ou presque) !” au carrefour de l’innovation pédagogique du Salon Educatec 2019. Membre de l'association Inversons la classe, il milite en faveur d'un réaménagement des classes dans le second degré.
Pouvez-vous nous parler de vous, de votre parcours en tant qu’enseignant ?
Après six années en lycée, j'enseigne depuis 2015 la physique-chimie au collège de Château-Double, à Aix-en-Provence. Mes premières années au collège ont été difficiles : j'avais le sentiment de perdre beaucoup de temps en classe avec l'écriture du cours, aux dépens des apprentissages proprement dits. J'ai même envisagé un temps d'arrêter l'enseignement... J'ai retrouvé de la motivation en m'inscrivant sur un fil de discussion “classe inversée, classe accompagnée” et quand ma collègue de SVT, Fanny Grauer, et moi-même avons décidé en 2017 de partager notre classe.
En quoi consiste ce partage ?
Nous faisons la classe ensemble la plupart du temps en travaillant des thématiques communes selon un plan de travail de six semaines et selon une pédagogie proche de la classe inversée. Pendant les semaines 1, 2, 3 et 4, les élèves travaillent en groupe de quatre sur des activités de SVT ou SPC. Les notions sont découvertes, revues et approfondies. En semaine 4, les élèves doivent recopier chez eux le cours que nous mettons en ligne. Nous leur demandons un travail de mise en forme personnel afin qu'ils se l'approprient bien. Ce travail à la maison dégage du temps pour réfléchir et expérimenter en classe. Et il évite le décrochage des enfants les plus en difficulté avec la prise de notes, comme les enfants dyslexiques.
Cette pédagogie inversée a-t-elle contribué à transformer votre classe ?
Oui, nous avons décidé en parallèle de réaménager la classe afin de l'adapter à notre nouveau fonctionnement. Le travail en groupe générant plus de bruit et de déplacements, nous avons commencé par placer des balles de tennis percées en leur centre sous les pieds des tabourets, comme on le voit dans le premier degré. Et nous avons adopté le Tetra'aide, un petit outil de régulation de la parole en forme de pyramide emprunté au primaire, que nos élèves utilisent pour nous faire savoir où ils en sont dans leur travail, s'ils ont besoin d'aide, etc. Nous avons aussi gagné de l'espace de travail en condamnant des éviers dont nous n'avions plus l'usage et récupéré de vieux tableaux dont les élèves se servent comme support pour le travail en groupe. J'avais proposé en parallèle un projet de réaménagement complet que nous avons pu réaliser. Il se développe autour de tables qui peuvent se désolidariser ou s'emboîter en fonction de l'activité. Et l'estrade a définitivement disparu !
Quel bénéfice pour vos élèves ?
Nous ne sommes plus face à eux mais à côté d'eux. Le résultat est que nos élèves nous font davantage confiance et s'investissent plus. Nous les sentons heureux de venir en cours, et ni eux ni nous ne souhaiterions revenir en arrière !
Comment avez-vous orienté l'atelier que vous allez animer sur le salon Educatec ?
Il s'agit d'envisager le réaménagement d'une classe “pour 0 € ou presque”. Je vais beaucoup sur les salons, je vois de jolies réalisations, mais comment fait-on si les moyens ne suivent pas ? C'était notre cas lorsque nous nous sommes lancés, nous avions une forte contrainte budgétaire avec laquelle il a fallu composer. Je vais partager mon expérience du mode “économe”. Comment reconvertir de vieilles banquettes du CDI vouées à être jetées pour créer un espace collaboratif par exemple, comme nous l'avons fait dans notre classe. La classe flexible, c'est souvent beaucoup de récup' ! Il s'agit aussi de présenter ce qui existe de nouveau en matière de mobilier. L'atelier est ouvert aux enseignants du primaire comme du second degré. Il sera fondé sur l'échange. L'idée est de faire émerger des idées nouvelles en prenant appui sur les expériences déjà menées dans les établissements, toutes classes et tous âges des élèves confondus. Il y aura un temps de restitution finale mais ce ne sera en aucun cas un atelier descendant.
Selon vous, la classe flexible ou la classe inversée peuvent-elles être le socle de l'école de demain ?
Elles sont déjà l'école d'aujourd'hui et l'école d'hier si l'on songe que la pédagogie Freinet à laquelle elles sont apparentées a déjà cent ans ! Le phénomène est amplifié par l'introduction des technologies numériques, qui permettent à une classe de mener des activités bien différenciées en même temps. Le mobilier évolue en conséquence ; les collectivités se penchent sur la question en lien avec l'Éducation nationale. Celle-ci relaie les expérimentations via sa plateforme Archiclasse, et s'interroge sur “la forme scolaire”. Le monde change, il n'y a pas de raison que l'école ne change pas elle aussi !
Pour en savoir plus , rendez-vous le 22 novembre au carrefour de l’innovation pédagogique du salon Educatec et pour vous patienter encore un petit peu voici leur site web : sciencesactives.fr
Commentaires ({{totalComments}})
Laissez un commentaire