L’enseignante, le maire et les aménagements scolaires : retour sur la classe flexible de CP à l’école de Tilloy les Mofflaines
Audrey Varrier enseigne à l’école Robert Talbot à Tilloy les Mofflaines (Pas-de-Calais) depuis 6 ans. Mais en septembre, elle y a fait sa toute première rentrée dans sa nouvelle classe flexible. Ses élèves de CP profitent désormais d’un mobilier flambant neuf financé par la mairie. Avec le maire de la commune, Didier Michel, elle nous a raconté son cheminement à travers la conception, l’aménagement et le fonctionnement de ce nouvel espace d’apprentissage.
Jusqu’en septembre dernier, la classe d’Audrey Varrier à l’école Robert Talbot de Tilloy les Mofflaines était équipée avec du mobilier scolaire traditionnel. Dans l’unique école de cette petite commune de 1500 habitants, les salles de classe sont rafraichies les unes après les autres, au fil des années. L’an passé, la direction de l’établissement a annoncé à Mme Varrier que son tour était arrivé : l’enseignante a estimé que c’était le moment idéal pour se lancer dans la classe flexible.
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La classe flexible, c’est un sujet qui la passionne. Comme tout ce qui a trait à son travail, en fait. « C’est sûr, j’adore mon métier. Sur les réseaux sociaux, je suis abonnée depuis environ un an à des groupes de professionnels qui discutent des aménagements scolaires, et notamment de la classe flexible. Quand j’ai appris que la rénovation aurait lieu en fin d’année scolaire (2018-2019, ndlr), j’ai étudié les possibilités d’équipements flexibles pour ma classe afin d’en discuter avec la mairie, qui finançait les aménagements. »
Une mairie très impliquée dans la modernisation des aménagements scolaires
L’école de Tilloy les Mofflaines accueille 210 enfants. « Les jeunes, c’est l’avenir, » affirme Didier Michel, maire de la commune depuis 2014. « Le conseil municipal fait tout son possible pour que l’école leur donne des outils en phase avec notre époque. Le digital notamment est très important pour nous. Nous avons installé un Tableau blanc interactif dans chaque classe, y compris en grande section de maternelle. Il y a trois ans, nous avons mis en place un dispositif mobile de classe numérique, avec des tablettes qu’on déplaçait d’une salle à l’autre. »
Didier Michel est donc parfaitement conscient de l’importance des aménagements des espaces scolaires. Pour autant, il n’avait jamais entendu l’expression « classe flexible » avant que Mme Varrier ne vienne lui en parler. « Nous étions auparavant sollicités en termes de modernisation des salles de classe et des installations à l’école. Mais je me suis rendu compte que la classe flexible, c’est bien plus que ça. » D’ailleurs, les premières propositions d’aménagement de la mairie ne conviennent pas à Audrey Varrier. « On nous proposait du mobilier neuf, mais pas du mobilier de classe flexible», explique-t-elle. Et puis il n’y avait pas de plans d’aménagements en micro-zones d’activités. Du coup, j’ai exposé ma propre vision des choses. »
Aménager une classe flexible, cela prend du temps
Munie d’une maquette de classe réalisée avec ses élèves, elle explique au maire comment elle envisage de faire évoluer les espaces, avec les points de regroupements, les zones d’activités, etc. « J’avais déjà en tête la configuration que j’ai aujourd’hui dans ma classe », raconte-t-elle. A savoir notamment :
- Une zone en U devant le TBI, avec un canapé ;
- Quatre zones de travail en ilot de huit élèves chacun (dont un avec une table haute et des tabourets) ;
- Un coin regroupement ;
- Un coin informatique ;
- Un coin bibliothèque avec un centre de Lecture et d’Écoute équipés de casques.
Ses explications permettent au maire de bien comprendre les enjeux de la classe flexible et les objectifs de l’enseignante. Il demande alors à Mme Varrier de trouver un fournisseur capable de répondre aux besoins exprimés. Elle sait déjà vers qui se tourner : « Dans les groupes Facebook, » raconte-t-elle, « beaucoup de membres parlent de Manutan Collectivités quand ils évoquent le mobilier pour classe flexible. On reçoit aussi le catalogue Manutan Collectivités à l’école. Le choix étant vraiment très vaste, j’ai appelé l’une de leurs conseillères pour m’orienter. J’ai découpé des images du catalogue et je les ai utilisées dans un collage pour composer un plan illustré de ma classe flexible telle que je l’imaginais. Et au printemps, j’ai eu le feu vert de la mairie. »
Faire partie d’une petite commune a des bons côtés : « Nous n’avons peut-être pas autant de moyens que des collectivités plus importantes, » explique Didier Michel, « mais nos processus de décisions sont bien plus courts et rapides. Notre conseillère déléguée à la Vie Scolaire rencontre régulièrement le directeur de l’école et les enseignants pour bien comprendre leurs problématiques. »
Tester les nouvelles configurations : une phase essentielle pour bien choisir son mobilier de classe flexible
Pour bien se rendre compte de l’impact des futurs aménagements, Audrey Varrier commence à modifier l’aménagement des espaces de la classe dès le mois de mars. « Avec mon vieux mobilier, j’ai créé des ilots et des zones d’activités. Cela m’a permis d’identifier plusieurs écueils et de voir que certaines idées que je pensais bonnes ne fonctionneraient pas ! Par exemple, j’avais décidé d’enlever les cases sous les tables des enfants. Du coup, j’avais pensé installer un grand meuble à casiers pour qu’ils y rangent leurs affaires. J’ai fait un test avec un meuble à colonnes acheté dans la grande distribution : j’ai réalisé qu’un meuble unique vers lequel convergent trente enfants en même temps, ça ne peut pas fonctionner : cela génère trop de désordre. J’ai donc orienté mon choix vers quatre meubles plus petits, répartis dans différents points de la classe pour que les enfants puissent circuler plus facilement. »
Cette phase de test lui permettra de mettre à jour plusieurs autre potentiels problèmes (« On ne peut pas penser à tous les détails, même quand ils semblent évidents après coup ! » dit-elle). Par ailleurs, en pratiquant ainsi la nouvelle configuration de sa classe dès le mois de mars avec le vieux mobilier, Mme Varrier a pu « commencer l’année scolaire 2019-2020 sur de bonnes bases. Au début de la classe flexible, on tâtonne, forcément. Autant s’y prendre le plus tôt possible. Il y a la gestion des déplacements, la gestion du travail dans les différentes zones. La gestion du bruit aussi. Les élèves bougent davantage, donc il y a forcément plus de bruit qu’en classe traditionnelle. »
Des astuces pour gérer le bruit en classe flexible
Des parades simples permettent de diminuer le bruit et l’agitation des enfants dans la classe :
- Veiller à limiter les déplacements inutiles pour que le mouvement ne génère pas le désordre : on s’organise pour prendre ses affaires en une seule fois et ne pas avoir à revenir sans cesse au meuble casier ;
- Rappeler qu’on peut parfaitement communiquer dans le calme, en chuchotant ;
- Ne pas lancer en même temps quatre ateliers qui nécessitent de la coopération, donc qui font du bruit ;
Avec ces équipements parfois ludiques, il est important aussi de bien expliquer aux enfants « qu’on ne peut pas tout faire, tout le temps, sur tout le mobilier » souligne Mme Varrier. « Le tabouret Mogoo par exemple, qui permet à l’enfant de bouger, ne peut pas être utilisé pour tout. Les enfants l’adorent mais il y a forcément des tâches pour lesquelles il ne convient pas, parce qu’elles demandent un minimum de stabilité. De même, on ne peut pas tout le temps être allongé par terre sur les tapis... Bref, pour bien fonctionner, la classe flexible nécessite un cadre, même s’il est différent de celui d’une classe traditionnelle où les élèves doivent rester assis sans bouger. En flexible, forcément, ça gigote. L’accepter demande une ouverture au changement et à l’innovation, aux nouveaux codes et règles à comprendre, à mettre en place et à faire respecter ».
Choisir ou non la classe flexible, c’est aussi une question de tempérament de l’enseignant
Pour l’heure, les élèves de Mme Varrier semblent épanouis dans leur nouvelle classe. L’enseignante a expliqué aux parents le fonctionnement de la classe flexible dès la rentrée. Elle partage régulièrement avec eux des photos montrant le travail des enfants au quotidien.
Ses collègues se montrent pour leur part curieux et intéressés, sans forcément souhaiter franchir le pas du passage en classe flexible. « Cela dépend aussi du tempérament et des critères de chaque enseignant, » estime Mme Varrier. « Par exemple, ça ne m’a pas gênée de supprimer mon bureau. De toute façon je ne m’en servais pas vraiment, même avant de passer en flexible. Mais ce n’est pas le cas de tous les enseignants, et le bureau de la maîtresse ou du maître est encore bien ancré dans la culture générale : quand le maire est venu voir ma classe, il s’est tout de suite inquiété de ne pas voir mon bureau. Il pensait qu’il n’était pas encore arrivé ! Quand je lui ai répondu qu’il n’y aurait pas de bureau, il s’est demandé comment j’allais faire... alors que ça fonctionne très bien sans ça ! »
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