Enseignant et AESH : Comment travailler en harmonie dans l’espace de la classe ?
Pour un enseignant accueillant un enfant handicapé dans sa classe, l’aide de l’AESH (Accompagnant d’élève en situation de handicap) est d’une valeur inestimable. Face à cet élève qui a besoin de plus de soutien que les autres, l’enseignant seul peut rapidement être débordé. Cependant, la présence de l’AESH dans la classe n’est pas toujours simple à organiser. Comment assurer une synergie entre lui et l’enseignant, quand leurs métiers diffèrent mais sont complémentaires ? Comment faire en sorte que la présence de l’un n’impacte pas la pratique de l’autre ? Nous avons posé ces questions à Audrey Seigneurin, maîtresse de CP, et à Rachida Belhaj, AESH : toutes deux travaillent régulièrement ensemble, dans la classe flexible d’Audrey.
En dix ans d’enseignement, Audrey Seigneurin a exercé à tous les niveaux, de la petite section de maternelle jusqu’au CM2. Elle enseigne actuellement dans une classe de CP dédoublé, de 14 élèves. Certaines années, Audrey a accueilli dans sa classe un enfant présentant un handicap ou un trouble du comportement. Dans ces cas-là, elle a pu la plupart du temps bénéficier de la présence d’une Accompagnante d’élève en situation de handicap. Depuis trois ans, elle travaille notamment avec Rachida Belhaj, AESH forte de neuf ans d’expérience. Depuis la rentrée 2019, Rachida accompagne dans la classe d’Audrey une élève présentant un trouble de l’attention.
Toutes deux ont partagé avec nous leur connaissance du terrain au cours d’un témoignage croisé reflétant aussi une grande complicité humaine. En les écoutant parler de leur expérience commune, on identifie plusieurs point auxquels veiller dans l’organisation de l’espace de la classe pour faciliter la coordination entre l’enseignante et l’AESH. Au fil des situations qu’elles décrivent, il apparaît également que la classe flexible facilite cette collaboration.
Classe de Demain : Votre relation de travail s’articule autour de la présence d’un enfant présentant un handicap. A quel type de handicap êtes-vous en général confrontées ?
Audrey - Le plus souvent, il s’agit d’enfants présentant des troubles du comportement. Nous accueillons notamment des enfants autistes ou autistes Asperger, ou encore des élèves avec des troubles de l’attention ou du langage. Cette année, j’ai dans ma classe une petite fille, Myriam (son prénom a été changé ndlr), qui présente un trouble de l’attention. Elle est accompagnée par Rachida. Deux matinées par semaine, Rachida n’est pas avec nous car elle accompagne également un élève dans une autre classe. Ces matins-là, c’est difficile pour moi et aussi pour Myriam, qui avance beaucoup moins vite que lorsqu’elle est avec son AESH.
Rachida, comment travaillez-vous auprès de Myriam ?
Rachida - Je l’accompagne pas à pas, en reformulant les consignes de la maîtresse si elle ne les a pas bien comprises par exemple. Je répète les questions posées par Audrey si besoin. Myriam a du mal à se concentrer, alors quand il faut commencer un exercice, je la guide dans sa « mise en route » : aller chercher le bon cahier, sortir le bon matériel... Je ne fais pas les choses à sa place, mais je suscite les actions à entreprendre, en lui posant les bonnes questions. Par exemple : « Où est la leçon dont on a besoin pour cet exercice ? », ou bien « Dans quel cahier fait-on des dessins d’habitude ? », « Et où se trouve ce cahier ? »... De fil en aiguille, elle arrive à faire les différentes choses nécessaires pour réaliser les différents travaux.
Comment s’organise votre présence dans la classe pour pouvoir faire tout cela ?
Rachida – Je suis assise à côté d’elle, j’ai un tabouret que je déplace selon les besoins. Je lui parle à voix basse pour ne pas gêner Audrey et le reste de la classe. Parfois, je me mets à l’écart pour laisser davantage d’autonomie à Myriam, ce qui est très important aussi. Le fait d’être en classe flexible facilite beaucoup mon travail, car dans ce type d’espace, le mouvement est naturel : on peut se déplacer, ça ne perturbe pas la classe. Quand je souhaite laisser Myriam travailler seule, je peux prendre mon tabouret et m’éloigner sans gêner personne (je recommande d’ailleurs l’utilisation de tabourets à roulettes, plus faciles à déplacer. Mais on peut aussi faire sans roulettes, évidemment !...)
Retrouvez ici, un tabouret à roulettes compartimenté, idéal pour bouger dans la classe
Audrey – C’est certain que la classe flexible favorise beaucoup l’intégration d’un enfant souffrant de troubles du comportement, car on peut y bouger, tout simplement. Cela permet de « faire diversion » quand l’enfant perd patience. Le simple fait de changer de place peut aider à atténuer une tension. Cependant, ces enfants ont souvent besoin d’avoir une place attitrée, car cela les rassure. C’est le cas de Myriam justement.
Rachida, accompagnez-vous aussi des enfants en classe traditionnelle ?
Rachida – Oui, et c’est vrai que c’est différent. En classe traditionnelle, je reste assise auprès de l’élève en permanence, en général sur une chaise d’enfant comme les autres chaises de la classe. On peut placer l’enfant près d’une porte, pour pouvoir sortir facilement en cas de trop grande agitation ou de crise avérée. Il est parfois nécessaire d’aller faire un tour dehors et de marcher avec lui dans la cour de l’école, le temps qu’il se calme.
De quels aménagements avez-vous besoin pour que votre collaboration en classe soit fluide ?
Rachida – L’idée est de pouvoir accompagner l’enfant sans perturber le reste des élèves. Je parlais d’avoir une porte à proximité, mais avoir un coin lecture dans la classe suffisamment grand, c’est formidable également : cela permet de « sortir sans sortir », en quelque sorte. De changer de cadre sans aller trop loin, sans perdre le fil de la journée. Ce n’est pas toujours facile à installer quand la salle de classe est petite, mais si c’est possible, je le recommande vraiment.
Audrey - Une année, nous avions installé un système de « jauge » à l’attention d’un enfant autiste Asperger, pour qu’il puisse indiquer son niveau d’énergie au fil de la journée. Il indiquait combien d’énergie il lui restait au fur et à mesure des événements quotidiens. C’était un dispositif ludique (on symbolisait l’énergie par un certain nombre de cuillères disponibles). C’était très important, sachant que par exemple, dire bonjour et discuter avec quelqu’un alors que ce n’était pas prévu, représentait pour lui un effort considérable. Je dirais aussi qu’avoir sous la main du matériel qui permet à l’enfant de se sentir « protégé », sans se sentir « enfermé », c’est très bien aussi. Par exemple, les casques anti-bruit sont très efficaces pour aider ces élèves à se recentrer.
Rachida – Finalement, tout matériel éducatif facile à déplacer est le bienvenu. Par exemple, un paravent que l’on mobilise à la demande permettra à l’enfant de s’isoler dans sa « bulle » et de retrouver son calme, tout en restant intégré dans l’espace de la classe. Il y a aussi les tableaux blancs, ou les grandes ardoises type Velleda, que je pose près de l’enfant pour qu’il s’exerce à recopier ses devoirs. Recopier depuis sa place à partir du tableau principal de la classe peut parfois être trop difficile quand le tableau est trop loin : l’enfant peut se sentir « perdu dans l’espace » en quelque sorte.
La possibilité de « bouger » semble être prépondérante pour le bon fonctionnement de votre binôme...
Audrey - Oui, et aussi le fait de tout simplement prévoir du matériel pour accueillir l’AESH dans les meilleures conditions... Par exemple, quand Rachida est arrivée, on n’avait pas pensé à installer un deuxième porte-manteau adulte ! Dans notre classe nous avons un tabouret, mais ce n’est pas toujours le cas : on pourrait aussi prévoir une assise spécialement réservée à l’AESH, et du mobilier où elle puisse ranger des affaires de travail. Ce sont des détails qui ont leur importance pour une collaboration harmonieuse.
Commentaires ({{totalComments}})
Laissez un commentaire