7 conseils pour réussir la végétalisation de la cour de récréation
En France comme dans d’autres pays d’Europe, les projets de végétalisation de cours de récréation connaissent un succès grandissant. On parle des « cours d’école Oasis », des « ilots fraicheurs » et aussi du rôle que ces espaces collectifs peuvent jouer pour lutter contre la chaleur en milieu urbain. Salma el Mrani est architecte et urbaniste chez Alto Step, agence spécialisée dans la gestion environnementale de projets territoriaux et urbains. Elle a travaillé sur plusieurs projets de végétalisation de cours de récréation, par exemple à Bordeaux. Madame El Mrani nous donne ici quelques conseils à appliquer avant même d’entamer les travaux.
« Végétaliser la cour de récréation ? Oui, mais... Qui va ramasser les feuilles ? »
Cette question peut faire sourire mais elle fait partie de celles que l’on devrait se poser avant même d’entamer l’aménagement de la cour de l’école, du collège ou du lycée. Visualiser, anticiper, s’assurer que tous les usagers sont activement impliqués... Tout cela fait partie intégrante du bon aboutissement d’un tel projet. Forte de son expérience dans la végétalisation de cours de récréation, l’architecte Salma El Mrani nous livre quelques conseils d’experts.
#1 – Passer par une phase d’observation des usages de la cour de récréation
« Pour un projet d’aménagement de collectivité comme celui d’une cour de récréation, nous procédons en plusieurs temps. Par exemple, à Bordeaux, nous avons commencé par une phase d’observation pendant l’été. Lors de cette phase, nous n’avons pas directement recueilli de retour d’usagers. Nous avons exploré l’espace, et observé la manière dont il était organisé. En tant qu’architectes et urbanistes, nous en avons identifié les points faibles, les axes d’amélioration.
Dans un deuxième temps, nous avons collecté les retours des usagers (équipes pédagogiques, personnel d’entretien, élèves...), au cours d’ateliers et de moments d’échanges avec ces publics.
Notre analyse technique nous a surtout permis d’identifier une faiblesse en termes d’ombrage et de fraicheur, notamment en raison de sols imperméables et gris foncé. Aux beaux jours, il faisait vite beaucoup trop chaud dans la cour. »
#2- Prendre le temps d’écouter les attentes et besoins des différents types d’usagers de la cour de récréation
« Les retours d’usagers sont souvent assez divers, selon les types d’utilisateurs.
D’une part, il y a les équipes pédagogiques, qui exprimeront par exemple leur besoin d’avoir une vue d’ensemble de la cour de récréation pour garder en permanence un œil sur ce qu’il s’y passe.
D’autre part, les enfants, qui nous disent leur envie de bouger, de courir ou au contraire d’être au calme, ce qui se traduira par une cour structurée en multiples zones d’activités.
Mais il faut également prendre en compte les retours des gestionnaires et des services de la ville : leur regard porte souvent plutôt sur la facilité d’entretien de la cour de récréation et ce que cela implique comme types d’aménagement. Cela prend une dimension particulièrement importante dans le cadre d’une végétalisation de l’espace. Car cette végétalisation va forcément avoir un impact sur le nettoyage : il y a les feuilles à ramasser en automne, pour éviter les chutes, dues aux glissades quand il pleut. Il y a aussi certains fruits qui tombent des arbres et s’écrasent par terre (les mûres, par exemple). Et il y a l’arrosage, qu’il faut impérativement organiser pour que la végétalisation puisse perdurer.
Tout cela souligne bien l’importance d’avoir un projet global d’aménagement avant de lancer tout type de travaux et d’installations. Cela suppose pour les usagers de bien visualiser les aménagements proposés, et de comprendre et anticiper le rôle qu’ils auront à jouer dans la prise en main du projet, dans le fonctionnement de la nouvelle organisation qui va émerger. »
#3 – Organiser des ateliers participatifs
« Les écoles sont finalement assez peu au courant des possibilités existant en termes de végétalisation de cour de récréation. Leur niveau de connaissance dépend souvent de la présence d’experts ou de passionnés de ces questions parmi les parents ou les membres des équipes pédagogiques. Nous conseillons à toutes les parties prenantes de se réunir dans des ateliers de démarches participatives, lors desquels ils pourront découvrir des références sous forme de photos ou d’images 3D. Dans les projets de maîtrise d’œuvre, chaque agence de paysage va ainsi partager des possibilités, des idées, des exemples, pour que les usagers comprennent ce qui est réalisable ou pas, et ce qu’implique chaque réalisation en termes d’organisation. »
#4 – Créer une charte d’usage de la cour de récréation
« Pour que chaque partie concernée prenne bien conscience de son rôle dans la pérennisation du projet, nous avons travaillé sur une « charte d’usage », impliquant non seulement les gestionnaires de la ville mais aussi les écoles. Cette charte précise ce qu’impliquent les aménagements choisis pour la cour végétalisée. Le document partage aussi les rôles entre les équipes et les usagers. »
#5 – Mettre en place des aménagements de préfiguration
« Avant de débuter les travaux, on peut commencer par imaginer et installer des aménagements provisoires dans la cour de récréation, qui répondent aux problématiques identifiées. Ces aménagements de préfigurations sont une étape intermédiaire avant le lancement des travaux. Par exemple pour faire baisser la chaleur, on installe dans la cour un coin « nature » temporaire, avec des jardinières, un petit banc etc. Cela va faciliter l’appropriation du projet et sa réussite sur le long terme, car ce qui compte avant tout, ce sont les usages, la pratique. Si, dans tel espace de la cour, les usagers sont habitués à profiter d’un coin nature, même tout petit, même sommairement aménagé avec du matériel de récupération par exemple, alors ils l’apprécieront et l’utiliseront d’autant plus quand il sera aménagé avec du mobilier et des équipements professionnels. »
#6 – Penser la cour de récréation en « archipels d’espaces »
« La végétalisation d’une cour de récréation repose très souvent sur une demande initiale concernant les ilots de chaleurs, que les écoles (et les communes) cherchent à juguler. Mais sur une ville comme Bordeaux par exemple, force est de constater qu’il ne fait vraiment très chaud que quelques semaines par an. Le reste de l’année, il pleut relativement souvent. Cela peut impliquer de mettre en place dans la cour d’école une protection contre le soleil mais aussi contre la pluie. Rappelons aussi qu’il faut pouvoir profiter du soleil de temps en temps ! Tous ces besoins différents, et parfois même contradictoires, confirment l’utilité d’une cour de récréation organisée en micro-zones. On parle aussi d’« archipels d’espaces ».
#7 – Aménager une petite cour de récréation : faire avec l’existant
« Il nous arrive de travailler avec des cours de récréation exiguës ; certaines sont installées sur les toits, ce qui exclut tout espace de pleine terre pour installer un jardin pédagogique, par exemple. Mais il y a toujours matière à travailler. Nous faisons avec l’existant, en utilisant les murs pour y installer des plantes grimpantes et des jardinières. On y met aussi de la couleur, avec des fresques murales.
On pose des voiles d’ombrage dans un coin de la cour. On utilise des matières responsables, durables et respectueuses de l’environnement pour apporter un maximum de bien-être à cet espace extérieur de l’école, même s’il est tout petit.
Dans une école maternelle, on peut utiliser un coin de sol pour installer des prises d’escalades, où les enfants pourront poser les pieds et marcher en crabe ou à quatre-pattes, comme ils le feraient sur un mur mais le risque de chute en moins. Au bas des murs, à une très faible hauteur, on peut aussi installer d’autres prises, surmontées d’une corde horizontale, comme sur une « mini via ferrata ». Même dans une toute petite cour, on peut faire beaucoup de choses. »
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