6 conseils pour coconstruire un projet d’aménagement d’espace éducatif
Nous l’avons déjà évoqué sur ce blog : pour réussir un projet d’aménagement éducatif, impliquer tous les acteurs concernés est essentiel dès la phase de conception. Mais « tous les acteurs concernés », cela peut représenter beaucoup de monde : équipes pédagogiques, enfants, agents municipaux, membres des services techniques, inspecteurs d’académie, parents... Ces usagers ont des attentes et des points de vue différents : comment tous les engager autour d’un même projet ? Voici quelques pistes pour y arriver.
« Coconstruire un espace collectif, c’est associer les utilisateurs de l’espace à toutes les phases de sa conception ». C’est ce qu’expliquait, lors d’un webinaire proposé par Manutan Collectivités, Stéphanie Cagni, co-fondatrice et co-gérante d’Atelier Pop Corn, une société coopérative à Lyon spécialisée dans l’accompagnement de projets d’aménagement d’espaces collectifs.
Ce webinaire portait sur la conception des cours de récréation, mais le processus de coconstruction concerne tous les espaces collectifs, dont les espaces éducatifs. Si la co-construction est si importante, c’est qu’elle permet à chaque usager de s’approprier peu à peu le projet, puis l’espace lui-même, en acceptant les changements d’habitudes qui l’accompagnent.
Pour autant, collecter et intégrer dans le projet l’ensemble des attentes de chacun n’est pas toujours facile et il n’existe « pas de recette miracle ni de formule magique pour co-créer un projet », souligne Stéphanie Cagni. Cependant, avec ses équipes, elle a pu identifier des étapes incontournables qui favorisent le succès de cette démarche.
#1 Répertorier tous les publics concernés par le projet d’espace éducatif
Il y a bien sûr les enfants. Les autres publics concernés varient selon le type d’espace : intérieur, extérieur, végétalisé ou non, etc. Mais dans l’ensemble, il s’agit d’embarquer dans le projet :
- Les équipes éducatives, enseignants, Atsem etc.
- Les professionnels fréquentant l’espace à différents moments de la journée et semaine : animateurs du centre de loisir pendant les vacances et le mercredi après-midi ; agents d’entretien ; etc.
- Les services techniques (patrimoine, bâtiment, espaces verts, élus...), notamment si l’espace implique des décisions en termes de pérennisation, d’entretien ou de gestion : cela aura un impact sur l’organisation de la commune
- L’éducation nationale et les inspections d’académies peuvent également être conviées à participer à la réflexion
- Les parents aussi sont impliqués, même si ce sont des usagers indirects de l’espace éducatif : ils le connaissent surtout via le récit de leurs enfants (quand ces derniers veulent bien leur raconter leurs journées !)
#2 Veiller à ce que chacun reste bien dans son cœur de métier, pour éviter présupposition et auto-censure
« L’un des écueils de la co-création, c’est de laisser les uns imaginer ce que les autres pensent ou vont dire », explique Stéphanie Cagni. « Cela aboutit à des freins, à de l’auto-censure. Au contraire, chacun doit bien rester sur son domaine et réfléchir à partir de son propre point de vue, de son vécu dans l’espace, de ses besoins, de son rôle dans l’école. Et surtout pas à partir de ce qu’il imagine que les autres pensent. Par exemple, les enseignants craignent souvent que les parents soient opposés à des activités de jardinage à l’école, car c’est salissant. Mais après avoir interrogé les parents, on s’est aperçu que c’était un sujet de préoccupation pour seulement 1 à 5 % d’entre eux... ».
#3 Respecter les étapes de la co-construction de projet
Il n’y a peut-être pas de formule magique pour co-construire un projet, mais suivre les étapes suivantes aide à ne pas se perdre dans la démarche :
- Sensibiliser : pour bâtir un socle commun de connaissances et partager les enjeux. Pendant des ateliers d’échange, on fait émerger ces enjeux avec les différents acteurs, et on les replace le cas échéant dans un contexte plus global (par exemple, végétaliser une cour de récréation permet de lutter contre les ilots de chaleur en zone urbaine, de favoriser la biodiversité etc.)
- Diagnostiquer : faire l’état des lieux, comprendre ce qui ne fonctionne pas ou mal, identifier les atouts : il y a très souvent des éléments de l’ancien espace à conserver, l’idée n’est pas forcément de « faire table rase ».
- Préconiser : c’est là que l’on demande à chacun d’exprimer et clarifier ses attentes, ses envies, d’imaginer l’espace « idéal ». Attention : l’essentiel est d’être passé par le diagnostic avant cette phase car sinon, on risque de collecter des informations inapplicables dans la réalité. L’idée est au contraire de rester dans le domaine du « réalisable ».
- Assurer le suivi et faire le lien entre la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre et l’usager tout au long du projet. Suivre le projet, c’est s’assurer que tout ce qui a émergé des phases de diagnostic et de préconisation demeure bien présent pendant la phase d’implémentation et de construction. On peut là aussi impliquer certains usagers : les enfants par exemple sont ravis de participer aux plantations pour végétaliser un espace.
- Évaluer : à la fin de l’implémentation, on vérifie que les objectifs sont atteints. Sinon, on corrige, on ajuste.
#4 Organiser des ateliers interactifs, en s’adaptant aux usagers
Pour collecter les attentes de chacun, on peut organiser des ateliers d’échanges réunissant différents usagers : enseignants, agents d’entretien, gardiens, personnel de restauration, Atsem... Tous interviennent auprès des enfants, sur un même espace, mais sur des temps différents. Leur ressenti et leurs attentes seront donc différents eux aussi.
Pour les ateliers faisant intervenir les enfants, on utilise des supports adaptés à leur âge et à leur vocabulaire : on travaille avec du photolangage, des jeux de type « memory ». On peut aussi observe les petits quand ils sont dans l’espace à réaménager, et jouer avec eux pour comprendre comment ils l’utilisent.
L’idée est de les laisser s’exprimer sans trop intervenir, pour ne pas orienter leurs réponses.
Les parents pour leur part sont plutôt sollicités « à l’aide de questionnaires, via le carnet de liaison ou l’email », précise Stéphanie Cagni : « Il peut être pertinent de les associer de manière secondaire aux projets, car ils sont à l’extérieur des espaces de l’école, ils en sont des usagers indirects : ils y projettent souvent leurs propres souvenirs d’enfance, ce qui peut aussi brouiller la réalité ».
#5 Créer un cahier de préconisation des usagers
A l’issue des réunions et des ateliers, pour organiser la restitution des informations sur les constats et les attentes de chacun vis-à-vis du futur espace, on peut créer un « cahier de préconisation des usagers ». Cela permet de faire le bilan de ce qui a été dit (par exemple sur ce qui fonctionne bien dans la cour, ce qui ne fonctionne pas, etc), et commencer à dessiner leur vision d’un espace idéal mais réalisable. Ce cahier sera transmis à la maîtrise d’œuvre. Il sera une source d’inspiration pour le paysagiste, qui va concevoir le nouveau projet. Un premier dessin est présenté aux élèves et aux adultes. S’ensuivent de premiers ajustements, des allers et retours. De notre côté, nous restons présents jusqu’au bout du projet : une fois l’espace livré, nous l’évaluons, au regard de ce qui était prévu.
#6 Intégrer les différentes temporalités du projet
Entre le lancement et la fin d’un projet d’aménagement d’espace, deux ans s’écoulent parfois. Pour un enfant, c’est très long. Pour un adulte, c’est long. Pour la collectivité, c’est court. Beaucoup de choses se passent en deux ans, entre les phases d’études, de conception, d’implémentation, sans oublier les périodes de vacances qu’il faut intégrer aussi.
Pour concilier le temps des différents usagers et celui du projet, on commence par en réaliser un calendrier aussi détaillé que possible. On met en lumière les périodes où se déroulent des activités « invisibles » : par exemple, une phase d’analyse du sol ou une étude hydrologique. On en profite pour expliquer les différents métiers impliqués. Dès qu’une phase « visible » intervient, on engage à nouveau les usagers : les enfants par exemple adorent préparer les plantations pour une future cour de récré.
Suivre le temps du projet, cela permet aussi d’intégrer les principes de réalité qui se révèlent parfois au fil du temps et auxquels personne n’avait pensé. Faire ainsi du temps un allié, plutôt qu’une contrainte, c’est aussi ce qui permet d’accompagner tous les usagers au changement.
Et une fois le projet terminé, tout le monde est prêt à en prendre possession.
Commentaires ({{totalComments}})
Laissez un commentaire