Ecole de la Forêt : une ouverture vers la nature
Déchiffrer l’alphabet dans les bois, découvrir les richesses de la nature, apprendre à utiliser des outils presque comme des grands… L’école de la forêt pour les maternelles est un modèle d’apprentissage qui commence à faire parler de lui au Danemark, en Allemagne et, plus timidement, en France. Explications.
Bousculer les habitudes d’apprentissage
Faut-il être assis derrière un bureau pour apprendre ? Pas si sûr. L’école de la forêt bouscule les certitudes de l’enseignement traditionnel et pose les bases d’un apprentissage par l’expérience, hors des quatre murs de l’école. Exit les chaises, les tables et le fameux « tableau noir ». Les enfants âgés en moyenne de 3 à 5 ans, enfilent leurs bottes et leur k-way pour grimper aux arbres à 6 mètres de hauteur, peindre, découvrir la faune et la flore, se balader sur de nouveaux sentiers… Le programme est vaste ! Quelques pratiques peuvent cependant soulever les inquiétudes des parents comme jouer près des rivières, faire du feu ou scier des arbres...des activités bien sûr encadrées.
Globalement, les écoles de la forêt sont une déclinaison particulière de la méthode Montessori. Celle-ci plaide pour des espaces de classe en intérieur repensés pour encourager la créativité des enfants en diversifiant les espaces d’apprentissage au travers d’un mobilier plus flexible et adapté à l’expérimentation. L’enfant apprend ainsi à son rythme, par la valorisation de ses initiatives, loin des contraintes physiques ou morales de la salle de classe classique. L’école de la forêt prolonge cette idée en élargissant le cadre.
Les « Forest School » : un concept né aux Etats-Unis qui prend de l’ampleur en France
Né à la fin des années 20, c’est dans le Wisconsin, au sein de l’école américaine Laona, qu’est apparue pour la première fois l’idée de privilégier l’école en plein air, avant de se diffuser progressivement dans les années 50 en Allemagne, en Angleterre et en Scandinavie. De nos jours l’Allemagne compte environ 1 000 structures de "garderies en forêt" (ou « Waldkindergarten »), suivi de près par le Danemark avec environ 700 maternelles qui proposent cette méthode d’apprentissage alternative.
En France, c’est plus timide… Mais les initiatives se multiplient, comme en témoigne le Réseau de Pédagogie Par la Nature (RPPN) qui recense les projets pédagogiques existants. La première maternelle de la Forêt a ainsi ouvert à la rentrée de septembre 2018 au domaine de Marsac, en Charente : 8 enfants de 3 à 6 ans peuvent suivre les enseignements à l’air libre, selon des méthodes d’apprentissage inspirées par Montessori et Steiner. Parmi les pédagogies alternatives imaginées ? apprendre le calcul grâce à une échelle ou l’alphabet, avec des lettres dispersées dans les arbres.
Chez « Autour du Feu », en Bretagne, les enseignants proposent des ateliers en pleine nature. Les thèmes abordés ? L’art naturel, le travail du bois, l’allumage de mini-feux, la construction de cabane ou encore l’exploration du monde naturel. D’autres structures adoptent un fonctionnement par stages ou accueils extrascolaires en forêt. Des forest school sont prochainement attendues près de Paris à Saint-Denis (93) et Lyon.
Mieux construire l’individu
Les « Forest schools » s’inscrivent dans une réflexion profonde de la construction de l’individu. L’espace physique accordé dans l’apprentissage ouvre l’espace mental nécessaire à la rêverie, l’ennui, l’imagination ou la curiosité souvent encadrés par le modèle d’apprentissage traditionnel. Alors quels bénéfices sont attendus de ce pas de côté ? Bien que le modèle soit récent, les bienfaits semblent déjà se dessiner sur les plans physique, psychologique et relationnel. On note ainsi que l’apprentissage au cœur de la nature est une opportunité pour l’enfant de développer ses fonctions motrices, de travailler son rapport au corps, son endurance, d’apprendre à gérer et à dépenser son énergie.
Il semblerait aussi que les « lutins de la forêt » acquièrent une meilleure santé, un système immunitaire plus efficace et seraient moins sensibles à l’obésité infantile. Sur le plan mental, pari gagné : les enfants partagent en petites groupes, jouent, se sociabilisent, coopèrent. Moins stressés, ils sont encouragés à s’entraider, à pratiquer des jeux symboliques visant à canaliser leurs émotions. Une transition en douceur vers le monde adulte sans passer par la case compétition. Le philosophe allemand Karl Groos (Les Jeux des animaux, 1988) a été l’un des précurseurs de l’étude comportementale faisant le parallèle entre le monde animal et humain afin d’établir l’importance du jeu pour l’acquisition des compétences nécessaires à l’âge adulte par les jeunes individus. Plus autonomes, créatifs, ils gagnent confiance en eux et développent leur personnalité…autant de vertus qui éveillent la curiosité de nombreux enseignants.
Adapter les conditions d’apprentissage aux nouveaux défis
Alors pourquoi le concept a-t-il mis autant de temps à faire son chemin en France ? Pour le journaliste Richard Louv, le temps accordé à « l’Outdoor Education » serait en fait générationnel. Penché sur la question, études à l’appui, le journaliste souligne que si 71 % des mères jouaient dehors chaque jour quand elles étaient petites, seuls 26 % de leurs propres enfants en font autant. Autre point, le temps libre par semaine a diminué de neuf heures en vingt-cinq ans. Ces tendances s’expliquent par le changement des mœurs de plus en plus urbaines, sédentaires et dépendantes des écrans. Et tout l’enjeu est là. D'après une étude de l'université de Toronto (Canada) publiée en mai 2017, sur près de 900 enfants âgés de 6 mois à 2 ans et suivis entre 2011 et 2015, le risque de retard sur la parole serait accru de 49% pour chaque demi-heure quotidienne d'écran. Autre question clé pour les enfants, l’obésité. Selon plusieurs experts, trois ans serait l’âge déterminant pour confirmer un trouble du comportement alimentaire. Une raison de plus pour encourager les enfants à se dépenser en extérieur.
Alors à quand un retour aux sources ?
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