Philharmonie des Enfants : « L’endroit idéal, c’est l’endroit où aucune posture n’est imposée »

Habilité cognitive, langage, créativité… Les bienfaits de la musique auprès des enfants ne sont plus à prouver ! Qu’en est-il précisément de la motricité ? La pédagogie autour de la musique et l’espace semblent bien avoir un rôle à jouer ! Échange avec Mathilde Michel-Lambert, Directrice de la Philharmonie des Enfants, filiale de la Philharmonie de Paris.

Qu’est-ce que la Philharmonie des Enfants ?

Nous accueillons des familles et des classes dans un espace permanent où cinq salles thématiques sont mises à disposition. C’est un lieu qui favorise la pédagogie par l’exploration : l’engagement du corps, le sensoriel... Il est organisé de sorte que les enfants soient en liberté pour s’approprier les notions proposées autour des sons et de la musique. Les enfants sont laissés sous l’autorité des adultes qui les accompagnent, parents ou professeurs, et nous leur donnons accès à des cahiers d’exploration en ligne, par tranche d’âge. Ces cahiers guident les accompagnateurs dans le choix des thématiques adaptées, de jeux ou encore de manipulations d’objets. La visite peut être préparée en amont et reprendre ensuite des thématiques vues en classe. Nous sommes aussi en train de développer des parcours numériques et nous allons déployer à l’échelle nationale ces dispositifs d’ici deux ans. Ces micro-enseignements pourront être abordés en classe, et venir renforcer les bénéfices d’une visite dans notre espace.

Quel lien peut-on faire entre l’apprentissage de la musique et la motricité des enfants ?

Il y a un lien entre l’écoute de la musique et la mise en mouvement, c’est admis scientifiquement. Lorsqu’on se concentre sur l’écoute de certaines musiques en particulier, il y a une dimension du cerveau qui se met en mouvement : on va bouger la tête en écoutant une musique rythmée, par exemple.

C’est aussi bénéfique pour les enfants, d’avoir l’occasion de laisser leur corps bouger, en fonction de ce qu’ils entendent. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui, alors que pendant des mois ils ont été empêchés, enfermés dans des petits lieux, sans contact avec les grands espaces... On sait que cela engendre des ravages sur le développement des enfants. En parallèle, ils sont aussi de plus en plus connectés. Ils apprennent spontanément grâce à ces outils mais c’est aussi indispensable qu’ils puissent se mouvoir librement, grâce à la puissance motrice de la musique.

Quel rôle joue alors la manipulation des instruments de musique ?

La concentration sur un geste soigné peut être variable selon les âges mais aussi selon les types de personnalités et le contexte dans lequel se trouvent les enfants. Il peut y avoir des installations plus accessibles ou plus faciles à utiliser pour certaines tranches d’âge compte tenu de la motricité fine, de la force qu’il faut avoir dans un bras et dans l’autre par exemple.

A la Philharmonie des enfants, il est possible de manipuler plusieurs types d’objets et nous avons notamment un espace aves des instruments simplifiés, comme une guitare ou une basse à trois cordes, un clavier à cinq touches, des percussions avec des mailloches… Ce sont des choses très simples mais avec lesquelles les enfants peuvent jouer de manière synchronisée, en harmonie à plusieurs. Ils doivent coordonner leurs gestes et suivre une composition graphique.

Sur le plan de la motricité, comment cela s’adapte-t-il à chacun ?

Ce type d’instruments favorise l’inclusion car cela ne suppose pas que l’on ait déjà manipulé un instrument ni que l’on sache lire la musique. Mais on va s’écouter les uns des autres : l’enfant est dans un collectif et est amené à se mettre dans le même tempo.

Nos parcours ont été pensés pour être inclusifs sur la plus vaste partie de nos installations. Il y aura donc des choses à faire, à manipuler, quelle que soit la spécificité du handicap – moteur, cognitif, sensoriel… Par exemple, pour les enfants malentendants, on propose des expérience solidiennes, où le bruit va parvenir jusqu’à la boîte crânienne par les vibrations dans le corps. Et souvent, on s’aperçoit que l’enfant va même bouger en rythme.

Selon vous, quelle est l’organisation idéale de l’espace d’éducation musicale pour favoriser le développement de la motricité ?

Les choses figées, par définition, empêchent les enfants d’être libres dans leur corps, dans l’organisation de l’espace. Donc je pense que l’endroit idéal, c’est l’endroit où aucune posture n’est imposée. Il faut que les enfants puissent passer d’une posture à une autre. Ça me paraît indispensable pour encourager les différentes attitudes.

Toutefois, ces attitudes peuvent être organisées : il peut y avoir des moments de totale liberté, où les enfants passent d’une posture assise, debout, accroupie ou sur les genoux… et des moments plus structurés, notamment pour certaines activités qui nécessitent des positions ou organisations particulières. Il faut imaginer des choses modulaires !